IL Y AURA LA JEUNESSE D’AIMER

Article publié dans la Lettre n° 466
du 14 novembre 2018


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IL Y AURA LA JEUNESSE D’AIMER. Lecture de textes de Louis Aragon et Elsa Triolet. Mise en scène Didier Bezace avec Ariane Ascaride et Didier Bezace.
Le Fou d’Elsa ? Oui, Aragon le fut dès les premiers instants.
Même si l’un et l’autre jouent, dans un dialogue in petto pétri d’humour, la séduction décalée de leur rencontre, l’attirance mutuelle est incontestable, la solidité du couple les mènera, au-delà des jalousies épisodiques, jusqu’à l’invincible fidélité des gisants. « Nos livres croisés viendront, noir sur blanc, la main dans la main, s'opposer à ce qu'on nous arrache l'un à l'autre », écrit Elsa dans une ultime lettre, bouleversante de lucidité et de sincérité. « Il n’est pas facile de te parler », y avoue-t-elle à celui qui, dans tout l’espace de leur vie partagée, a « bu » dans la profondeur de ses yeux, l’a sans doute asphyxiée. « J’étouffe de toutes les choses pas dites, sans importance, mais qui auraient rendu la vie simple, sans interdits », ajoute-t-elle. Mais Aragon y a puisé la source jamais tarie de l’inspiration d’un amour sans faille.
Par le truchement de textes très judicieusement choisis, Aragon et Elsa racontent leur vie et leur passion. Au travers d’Aurélien, on s’amuse des fanfaronnades des nageurs de piscine, on perçoit avec Riquet le décalage social, on est hanté par le filigrane de Bérénice. Le corps frémit, dans un clair très obscur, de la découverte charnelle d’Irène. On sourit dans l’épisode de guerre, tout en n’en gommant pas l’inquiétude. On rit lorsque la perquisition donne matière au récit d’absurdité et de brutalité que miment les voix et les gestes du couple molesté.
Dans l’alternance des textes entre rire et émotion, la mise en scène, en lecture, de ces textes est d’une sobriété absolue, deux chaises hautes, deux micros, des feuilles qui glissent, deux acteurs en noir et blanc qu’effleurent les lumières. A peine quelques postures ou un foulard noué. Et ce dépouillement concerté fait ressortir encore davantage la beauté des mots, leur musicalité que viennent rehausser les modulations du piano et des cordes.
Ariane Ascaride est Elsa, Didier Bezace est Aragon. Non, ils ne « jouent » pas ces rôles, ils « sont » vraiment ces deux tenants du couple mythique. « Ne ferme pas les yeux, je suis de ce côté de tes paupières ». Nos oreilles sont ouvertes de ce côté de leurs voix si magnifiquement portées. A.D. Théâtre du Lucernaire 6e.


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