HERMANN

Article publié dans la Lettre n°520 du 17 mars 2021


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HERMANN. Texte de Gilles Granouillet. Mise en scène François Rancillac. Avec Daniel Kenigsberg, Claudine Charreyre, Lenka Luptakova, Clément Proust.
Léa, neurologue, est spécialiste des troubles de la mémoire. Celle, presque banale, qui s’efface chez ses patients en gériatrie, celle, plus incongrue, qu’on ne parvient pas à concentrer, même en pleine jeunesse. Un jeune homme, Hermann, atterrit un jour dans son service, un presque anonyme, sans histoire à retracer, sans identité à reconstruire. Autour de lui, un épais mystère, que viennent cisailler des fulgurances de langage, de souvenirs entrevus. Qui est vraiment Olia, la jolie épouse du professeur Daniel Streiberg ? De quel droit se permet-elle de venir voir cet Hermann qu’elle prétend d’abord ne pas connaître ? Léa ne voit en elle qu’une oisive en mal de curiosité malsaine, avant d’accepter les excuses balbutiantes de la jeune dame revenue à une meilleure franchise. Olia et Hermann s’enfuient, laissant à Daniel le mari et à Léa le champ d’une alliance amoureuse. La survenue d’Hermann fait voler en éclats les couples, en recompose d’autres. La folie guette au détour des retrouvailles, nul n’en sort indemne.
La pièce est construite en anamnèses enchevêtrées avec le récit actuel de Léa, d’abord à 29 ans puis à 42 ans. Deux histoires d’amours croisées, douloureuses ou attendries, sombres ou rieuses. Au centre, humainement et professionnellement, la question est posée de la nature même de la mémoire, cette collection d’instants dont on reconstitue arbitrairement le cortège pour lui donner un sens et une signification. Pourquoi ce souvenir-ci et pas un autre, pourquoi son apparition précise ou son oubli ? Pourquoi cette voix reconnue au milieu d’autres sons ordinaires ?
La mise en scène fait le choix d’un dépouillement à la limite de l’oppressant dans une palette en camaïeu des gris et des noirs, un plateau presque vide mais sanctionné par le rideau en résille qui en enserre l’espace tout en permettant une transparence faussée. L’impression d’irréalité s’en trouve renforcée. Le jeu des comédiens, subtil et alterné, donne à voir et entendre le vacillement des identités. Et on est capté sans réticence par cette dérive au long du fleuve des souvenirs. A.D. Vu au Théâtre des Deux Rives, 94 Charenton.


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