LA TRAGÉDIE D’HAMLET

Article publié dans la Lettre n° 360
du 18 novembre 2013


LA TRAGÉDIE D’HAMLET de William Shakespeare. Texte français Yves Bonnefoy. Mise en scène Dan Jemmett avec Éric Ruf, Alain Lenglet, Denis Podalydès, Clotile de Bayser, Jérôme Pouly, Laurent Natrella, Hervé Pierre, Gilles David, Jennifer Decker, Elliot Jenicot, Benjamin Lavernhe.
Pour faire court, Claudius, le frère du roi du Danemark récemment décédé, ne se lasse pas de célébrer la mort de son frère, son accession au trône et son mariage avec la reine Gertrude, sa belle-sœur. L’attitude de son neveu Hamlet commence cependant à l’inquiéter. Il ignore que deux gardes en faction sur les remparts d’Elseneur, ont vu une ombre hanter les lieux et cru reconnaître le roi défunt. Ils en ont secrètement touché deux mots à Hamlet, qui de ses propres yeux, a reconnu l’auteur de ses jours. Celui-ci lui a livré la véritable cause de sa mort, le nom du coupable et a prié son fils de le venger.
Jouer Hamlet et surtout « Quel Hamlet jouer ? » est un pari relevé par de nombreux adaptateurs tous à même de créer une mise en scène et une scénographie qui comblent un public exigeant. Dan Jemmett offre une version pour le moins inattendue en plaçant l’œuvre dans le club house d’un club d’escrime. Côté jardin, les toilettes pour hommes dotées de l’incontournable distributeur. Côté cour, celles des dames. Dans le fond de la pièce, un juke-box clignote et déclenche à l’envie des airs entraînants, emportant les protagonistes dans des danses improbables. Tout en satisfaisant un besoin naturel, notre héros lit parmi les graffitis dessinés sur le mur, six mots gravés dans la langue de Shakespeare (évidemment), formulant une célèbre question, prémices d’un long monologue. Depuis que son auteur l’a couchée sur le papier, il faut souligner que l’interrogation taraude pas mal de monde.
Le fantôme de son père a exhorté Hamlet à le venger. Il n’aura de cesse qu’il n’exécute cet ordre.
Le roi Claudius a organisé une « impudente orgie », passant au besoin derrière le bar à la recherche des breuvages correspondant au moment fêté. Mais de plus en plus inquiet par le comportement anormal d’Hamlet, il tente de le distraire grâce à la venue d’une troupe de comédiens, sans savoir que son neveu les récupère pour le mystifier. Angoissé par la pièce qu’ils présentent, le roi, une bière à la main tout en jetant un œil sur l’écran du téléviseur, songe alors à se débarrasser de son imprévisible neveu, en utilisant les services des inséparables Rozencrantz et Guildenstern, tellement inséparables que l’on finit par ne plus savoir qui est qui. Leur représentation est ici aussi inattendue qu’amusante. Ophélie, incapable de comprendre le changement d’attitude d’Hamlet à son égard, sombre dans une folie qui la conduit au suicide. Suicide très « in », subtilement métaphorique dans la bouche de la reine Gertrude qui en fait le récit. Laërte, le frère de la jeune fille, de retour d’un voyage en France, constate la mort de son père Polonius, chambellan trop zélé qui n’aurait pas dû écouter, derrière un rideau, une conversation entre la reine Gertrude et son fils. Après le premier choc du décès de son père, Laërte ne peut supporter la mort de sa sœur. Poussé par le roi, il provoque Hamlet en duel, au sabre, d’où l’idée du club d’escrime. Une arme et un breuvage empoisonnés provoquent la célèbre hécatombe...
Cette version, déconcertante de prime abord mais très vite enthousiasmante, prouve que le chef-d’œuvre de Shakespeare se prête à toutes les adaptations, mises en scène et scénographies. Encore faut-il que le génie de ceux qui les créent soit sans faille. Le talent de Dan Jemmett et de tous ceux qui l’entourent est indéniable. Celui des comédiens du Français est ici au plus haut niveau. Comédie Française 1er.


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