FEU POUR FEU

Article publié dans la Lettre n° 433
du 26 juin 2017


  Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.

FEU POUR FEU de Carole Zalberg. Mise en scène Gerardo Maffei avec Fatima Soualhia-Manet.
Chocs. Il s’agit d’une noria de chocs. Choc des coups des massacreurs sur leurs victimes dans ce village africain livré à leur barbarie. Choc de la douleur et du deuil, de la séparation et de l’abandon, parce qu’on ne voyage pas avec un cadavre, même celui de son épouse bien aimée. Choc aussi de la vie têtue, tenace, de ce minuscule bébé qu’un père éploré va mener sur les sentiers de l’exil. Et il survivra pour elle, grâce à elle, parce qu’elle ne lui laisse pas le choix de la désolation ou du suicide.
Choc des cultures, de leur incompréhension agressive, de leur irréductibilité l’une à l’autre.
Ce père, un homme simple et paisible, ne recherchait aucun ailleurs, il voulait que sa famille s’épanouisse dans la sérénité de la tradition. Il ne trouvera que le mépris, le rejet de ce continent blanc, où sa fille Adama refusera l’invisibilité à laquelle sa génération se voit contrainte, dans un entre-deux insupportable. Ni là-bas, ni ici.
Alors, elle allumera le brasier, la paix désormais impossible. Le père, dévasté par ce crime, et aussi celui du fils aîné, en filigrane, va entreprendre le récit adressé à sa fille de tant d’errance, d’exil, d’années de souffrances, d’apaisement frelaté. D’identités anonymes.
Dans le labyrinthe où ce Dédale noir croyait avoir enseigné à son Icare de fille, son cœur de secours, qu’on pouvait trouver une paix de substitution, l’adolescente a choisi la révolte de l’oiseau qui perd ses plumes avant de se brûler les ailes.
C’est cette métaphore d’un envol impossible qui accompagne la mise en scène de ce magnifique texte lumineux et poétique. Les plumes jonchent le sol, foulées par les silhouettes projetées en ombres, dans leur marche sans fin. Sur le fond de scène apparaissent des animations de vie inexpugnable, germination de tubercules, accouplement d’insectes. Fatima Soualhia-Manet, en constant équilibre sur son lit surélevé, cage, cellule, mirador, est bouleversante, d’une vérité criante en écho aux voix off qui crachent leurs colères d’adolescentes sans repères.
Une machine à vivre, Adama, pas à tuer. Pas à allumer quinze ans après feu pour feu. A.D. Théâtre de Belleville 11e.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur