LA FEMME VINDICATIVE

Article publié dans la Lettre n° 224


LA FEMME VINDICATIVE de Carlo Goldoni. Mise en scène Frédéric Tokarz avec Cendrine Orcier, Jean-Michel Cannone, Patrick Mille, Frédéric Tokarz, Fabien Orcier, Frédérique Farina, Julia Maraval, Franck Bussi.
Corallina est une maîtresse femme. Bien que servante, elle régente Otavio, son maître ombrageux et toute la maisonnée. Corallina veut sortir de sa condition. Pour une femme au XVIIIe siècle, il n’y a pas mille solutions: le mariage ou le couvent. La coquine a jeté son dévolu sur le chevalier Florindo qu’elle presse de ses assiduités. En volant son maître, elle s’est constitué une dot séduisante. La sympathie de Florindo est une ruse pour approcher la tendre Rosaura, la fille d’Otavio. Le chevalier n’a aucune psychologie féminine, il joue un jeu dangereux. On ne trompe pas impunément une femme amoureuse car, éconduite, elle se meut en une ennemie implacable. Corallina déploie une panoplie de ruses et de perfidies pour se venger et arriver à ses fins. En premier lieu, se débarrasser d’une rivale envahissante. Il ne lui faut que quelques mots et une oeillade pour décider Otavio de marier sa fille à Lelio, un prétendant ombrageux, qui transformerait n’importe quelle Messaline en nonne. Mais Cupidon en décide autrement.
Carlo Goldoni est un auteur dont on ne se lasse jamais de découvrir et redécouvrir les oeuvres. Cette femme vindicative est une rareté sur les scènes françaises. Goldoni ose prendre pour héroïne une femme sans scrupules, une aventurière à l’intelligence aiguisée comme un stylet, prête à tout. On est frappé par ce personnage féminin rare dans le théâtre, Coralline est une manipulatrice, noire dans ses desseins, mais tout compte fait tendre dans ses aspirations. Goldoni jette ses personnages dans une suite de péripéties et d’imbroglios de salon, admirablement orchestré par Frédéric Tokarz. Ce jeune metteur en scène entraîne sa troupe dans un rythme alerte, la rapidité des enchaînements accentue la vivacité des personnages. Chaque rôle est admirablement interprété. De Jean-Michel Cannone, qui prête sa voix de stentor à Ottavio, à la délicieuse Julia Maraval, la tendre Rosaura, à Fabien Orcier, Arlequin sorti tout droit de Venise, à Frédérique Farina, Béatrice, la cousine avisée, ils sont tous manipulés par la tornade pétillante en jupon, interprétée par Cendrine Orcier. Elle a la verve autoritaire d’une Rosy Varte, la duplicité intelligente d’une Catherine Hiegel et surtout un talent bien personnel. Il n’y a pas de tête d’affiche dans ce spectacle mais tous les comédiens sont excellents et la mise en scène tourbillonnante nous offre une soirée bien joyeuse même si parfois le rire grince. Théâtre Antoine 10e. Jusqu’au 15 mars 2004.


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