F-X

Article publié dans la Lettre n° 335
du 16 janvier 2012


F-X de Michael Stampe. Mise en scène Christophe Lidon avec Jérôme Pradon.
Comment se forger enfin une identité d’adulte, quand la vie a été émaillée de rendez-vous ratés ?
Avec un frère quasi absent, avec un père à éclipses qu’il apercevra sans oser courir à sa poursuite, avec une petite sœur, confinée dans sa vie sans ambition, qu’il aurait dû aborder au moment opportun. Avec sa mère surtout, ah oui sa mère, Colette, trop tôt emportée loin de lui, omniprésente dans ses mots et ses souvenirs, sa douloureuse incompréhension. Elle, si surannée en faux Chanel et chaussures bicolores, insupportablement obséquieuse devant ses clientes de machine à coudre. Il aurait tant voulu que l’amour se dise entre eux. Il ne se sentait pas dans le regard des autres, si ce n’est celui du pervers… Il se fixe désormais dans l’œil de l’objectif, duplique la nudité de son corps sculpté devant le regard virtuel des internautes en mal de sensations graveleuses.
Narcissisme exacerbé, voyeurisme complaisant ? Il ne s’agit pas de la seule confession impudique d’un corps mis en scène dans la métaphore du lit froissé. Il y va de l’identité même de ce petit gars d’une banlieue sans rêve ni espoirs, qui réussira peut-être, enfin, son rendez-vous avec l’œuvre majeur, par-delà Caravage ou les viandes de boucherie de Soutine, pour rejoindre Michel-Ange, le démiurge.
Apre exercice que d’apaiser une telle rage d’exister, de concilier la sauvegarde jalouse de l’intimité avec l’exhibitionnisme d’une création de soi. Se dire dans l’impudeur du corps et des mots crachés à nu, se construire dans la claustrophobie d’une insondable solitude, comme pour faire sienne la lenteur méditative d’une cérémonie du thé, au-delà de l’eau à bouillir d’une boisson chaude. Entre les flashes aveuglants des projecteurs, les draps froissés ne seraient que lascifs et provocants si Jérôme Pradon ne les modelait de son inventivité, d’un bouillonnement où il hurle et se démène pour la gestation et le dévoilement ultime d’une identité enfin acceptée. François-Xavier. Théâtre Le Lucernaire 6e. A.D.


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