EXÉCUTEUR 14

Article publié dans la Lettre n°508 du 30 septembre 2020


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EXÉCUTEUR 14 d’Adel Hakim. Mise en scène Tatiana Vialle. Avec Swann Arlaud. En présence de Mahut.
C’était un enfant comme les autres, un être tout à fait « conforme », sans doute moins cruel que la plupart. Il était Adamite. Son quartier, les copains, l’école étaient sa vie. Conscient de son potentiel, il avait déjà l’ambition des chefs. À la lisière de son quartier vivaient les Zélites, un clan qu’il croyait frère. Mais ils « avaient un goût de rancune dans la bouche ». Une nuit d’été, il y eut la première semonce, prémices d’une guerre civile. Première angoisse, première humiliation. Puis il y eut l’enfer du feu qui oblige à se cacher sous une table et à attendre avant d’oser sortir parce qu’il faut continuer de vivre. Sortir et danser pour défier les balles. Une fois franchi le pas entre le citoyen ordinaire et le milicien, il ne reste qu’à prendre les armes et devenir un guerrier, un assassin comme les autres. « Alors, si on est Zélite, les Adamites te tuent. Si on est Adamite, les Zélites te tuent ». « Ce n’est pas plus compliqué que cela », jusqu’à la chute, quand tout s’achève et que survient l’exécuteur 14, machine à tuer, qui n’a plus rien d’humain, et qui parachève son œuvre de mort. Pas plus compliqué que cela dans les actes, sans doute, mais dans la tête ?
Adel Hakim situe la pièce pendant la guerre du Liban mais il pourrait s’agir de n’importe quelle guerre dans un autre lieu, à une autre époque. Il analyse les chocs émotionnels successifs qui transforment un jeune garçon, citoyen paisible, en tueur vengeur.
Swann Arlaud donne corps et âme à ce personnage au corps et au cœur détruits par les horreurs vécues, qui revit les événements tels qu’ils se sont succédé et décortique les sensations et les sentiments éprouvés avant le dernier round.
La présence indispensable de Mahut à la sono en cisèle les étapes. À la sérénité des premiers instants succèdent, la surprise, la perte de l’innocence, la menace, la terreur, dominés par la haine et la soif de vengeance, puis enfin l’espoir placé dans l’intervention d’un « grand conciliateur », seule échappatoire pour sa survie physique et psychique.
La barbarie des conflits devient palpable sur une scène de théâtre, un terrain de jeu idéal pour un comédien de la trempe de Swann Arlaud. Avec ce monologue à l’écriture affutée, il démontre avec talent combien un état de guerre peut changer fondamentalement un être humain et le faire basculer dans la barbarie et le fanatisme et comment il peut, à force de traumatismes, devenir le bourreau de ses semblables.
À la fin d’un article élogieux, Pierre Marcabru, en son temps, concluait en substance : « C’est égal. Ce n’est pas gai de passer une soirée en compagnie de Monsieur Becket ». L’admiration passée, c’est cette réflexion-là qui vient à l’esprit. M-P.P. Théâtre du Rond-Point 8e.


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