EVA PERON

Article publié dans la Lettre n° 223


EVA PERÓN de Copi. Mise en scène Gloria Paris avec Christine Gagnieux, Edith Scob, Alain Gautré, Bruno Fleury, Nathalie Lacroix.
Eva Perón reste une figure emblématique de l’Argentine, phare d’une époque où le peuple, aussi contrasté que sa terre, cherchait désespérément une bouée, un espoir, quelqu’un qui le sorte de sa condition. Copi ne retrace pas sa vie. Il ne cherche pas non plus à réaliser une fresque politique à partir de ce mythe incontournable, il imagine simplement sur le vif les derniers instants de sa vie, mourant lentement d’un cancer dans son palais, en pleins préparatifs d’élections, au milieu des atours pour lesquels elle dépensait des fortunes, entre Juan Perón, son conseiller Ibiza, sa mère et une infirmière. Entendant au loin la rumeur sourde des lamentations de la foule qui s’apprête à célébrer les funérailles de sa sainte, Evita vit à la fois sa fin intime et celle intrinsèque à sa fonction, mort publique qui lui échappe. Liée à un pouvoir à la fois populaire et totalitaire, on s’est servi d’elle comme d’un pantin pour séduire un peuple avide de croire les yeux fermés son idole, comme lui née de rien, mais ayant su gravir les échelons de la société pour se hisser au sommet. Pour Eva Perón, à l’angoisse de son issue fatale et imminente, s’ajoutent la frustration de ne pouvoir vivre de façon privée sa propre fin et celle d’assister impuissante, solitaire malgré tout, au départ d’un corps qui ne lui appartient déjà plus.
A l’instar du fantoche que fut Eva, Copi fait de sa pièce une farce où les différents personnages s’agitent mécaniquement comme les marionnettes d’une mauvaise représentation, les rendant à la fois grotesques, veules et infantiles. Grâce à une mise en scène efficace, à la fois caustique et provocatrice, Gloria Paris exploite avec éclat la dérision et la violence qui éclaboussent la pièce, comprise par des comédiens époustouflants. Christine Gagneux, incarne avec talent une Evita à la fois élégante, capricieuse et excessive telle que l’on se la remémore, Edith Scob est époustouflante dans le rôle de la mère. Bruno Fleury, formidable Ibiza, Alain Gautré, Perón convaincant, et Nathalie Lacroix excellente en infimière, ne sont pas de reste. Ils évoluent dans un décor sobre, judicieusement aménagé pour une scénographie réglée avec minutie. Les amateurs de l’auteur seront à leur affaire, tant ce spectacle est représentatif de son oeuvre et de son style, à l’écriture tout à la fois inventive et excessive. Athénée Théâtre Louis-Jouvet 9e (01.53.05.19.19) jusqu’au 14 février 2004.


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