L’ÉTRANGER

Article publié dans la Lettre n° 377
du 19 janvier 2015


L’ÉTRANGER. D’après Albert Camus. Adaptation Benoît Verhaert et Frédéric Topart. Mise en scène Benoît Verhaert avec Stéphane Pirard, Lormelle Merdrignac, Benoît Verhaert.
Le narrateur, Meursault, vit à Alger en Algérie française. La réception d’un télégramme lui annonçant la mort de sa mère ne lui procure pas de sentiment particulier, la peine ou la tristesse, par exemple, que tout fils devrait ressentir à la mort de l’auteure de ses jours. Elle ne lui amène qu’une pensée : « Aujourd’hui, maman est morte ». Ce sentiment se confirme lorsqu’il refuse que le cercueil soit rouvert afin de la contempler une dernière fois. Après l’enterrement, il rentre à Alger et va se baigner. Il rencontre Marie Cardona, une dactylo qui avait travaillé dans la même entreprise que lui. Le soir, ils vont au cinéma voir un film avec Fernandel, puis passent la nuit ensemble. Plus tard, lorsque Marie lui demande s’il veut se marier avec elle, il lui répond simplement que « ça n’a pas d’importance », mais « qu’il veut bien ».
Étranger au monde qui l’entoure, rien ne semble le concerner. Aussi, quand son voisin Raymond Sintès, craignant les représailles du frère de sa maîtresse, lui demande d’écrire pour lui une lettre injurieuse à cette jeune femme maure qu’il vient de frapper, Meursault accepte d’écrire la lettre sans arrière-pensée. Il accepte encore d’être son témoin de moralité quand Raymond est arrêté après avoir de nouveau frappé la jeune femme. Après une bagarre lors d’une rencontre sur la plage avec un groupe d’arabes dont le frère fait partie, Raymond est blessé. Plus tard, seul sur la plage, Meursault rencontre le frère qui sort un couteau de sa poche. Ébloui par le soleil qui se reflète sur l’arme blanche, Meursault sort le revolver qu’il avait confisqué à Raymond et tire un coup qui tue l’arabe. Pourquoi tire-t-il quatre autres coups sur le corps sans vie, sans raison particulière ? Il dit seulement avoir tiré à cause du soleil et n’exprime aucun regret. C’est plus son comportement, jugé anormal par ses juges lors du décès de sa mère, que son crime, qui le condamnera à mort, personne ne comprenant son détachement, son apparente inhumanité.
La mise en scène de Benoît Verhaert est d’une grande limpidité grâce à l’adaptation que lui et Frédéric Topart ont faite du roman. Le décor, réduit au strict minimum, permet de se concentrer uniquement sur l’état d’esprit et les actes de Meursault, narrateur-personnage principal dépourvu de prénom, qui s’exprime à la première personne du singulier, rôle dévolu à Stéphane Pirard. Son interprétation d’un naturel exemplaire et les interventions ponctuelles des autres comédiens confèrent une proximité particulière avec le public.
Dans une interview, Albert Camus résumait son roman par cette phrase: « Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort ». Il ajoutait que son héros refusait de mentir. Cette explication permet au lecteur de voir Meursault non comme un être dénué de tout sentiment mais comme un homme qui refuse de jouer le jeu, c’est-à-dire de se conformer aux normes de la société dans laquelle il évolue. Le metteur en scène et ses comédiens se concentrent sur cet éclairage, rendant ainsi la représentation très accessible au public. Ils proposent d’ailleurs des représentations interactives dans les lycées, source d’échanges fructueux, pain béni pour les professeurs et les élèves. Théâtre 14 14e.


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