EQUUS

Article publié dans la Lettre n° 289


EQUUS de Peter Shaffer. Adaptation Pol Quentin. Mise en scène Didier Long avec 12 comédiens dont Bruno Wolkowitch, Delphine Rich, Julien Alluguette, Christiane Cohendy, Didier Flamand, Astrid Bergès-Frisbey, Alain Stern.
Le docteur Martin Dysart exerce dans un hôpital psychiatrique. Esther Salomon, une juge impressionnée par les résultats qu’il obtient auprès de ses patients, le prie instamment de s’occuper d’un cas « problématique » qui « va dégoûter tout le monde »: Alan Strang, un jeune homme de 17 ans, s’est introduit une nuit dans le manège où il travaille et a crevé les yeux des six chevaux dont il s’occupe. Très impliquée dans son métier, Esther Salomon souhaite que ce garçon ne finisse pas en prison, ce qui le perdrait à jamais. Elle compte sur la grande expérience de Martin pour lui soutirer les éléments qui mettraient à jour les causes de cette pulsion effroyable ce qui lui permettrait d’en prendre conscience et ainsi de guérir.
Entre le docteur et son patient s’instaure alors le jeu minant du chat et de la souris, un long parcours du combattant, jalonné de pas en avant et de pas en arrière, de cris, de larmes, de refus puis d’acceptation. La fascination que procure au psychiatre la personnalité de son patient prend peu à peu le pas sur l’horreur que lui inspire son acte. Si le docteur Dysart parvient à nouer le dialogue avec Alan, il interroge aussi les parents anéantis, sur les relations qu’ils entretiennent avec leur fils, depuis sa naissance. Une expérience vécue à l’âge de six ans avec un cheval retient par-dessus tout l’attention du psychiatre tout comme l’enfance et l’adolescence d’Alan, ballotté entre l’éducation d’une mère ancienne institutrice, très croyante et celle d’un père, imprimeur athée. Anecdotes et confessions lui permettront de remonter aux sources du traumastisme qui a conduit Alan à son crime.
Ce fait divers authentique et inexpliqué a inspiré à Peter Shaffer cette célèbre pièce créée en 1973. Elle comporte une grande force émotionnelle qui n’a pas échappé à Pol Quentin et Didier Long. Si le premier revisite l’oeuvre, le second organise sur scène une sorte de thérapie en direct ce qui amène le spectateur à se demander lui-même les raisons de l’acte effroyable du garçon. Captivé, il suit alors le duel sans merci que se livrent le docteur Dysart et Alan. Celui-ci a vite perçu la faille chez ce psychiatre passionné, mais déçu par sa vie étriquée et fasciné par cet étrange patient, épris de liberté, envoûté par la figure d’Equus, dieu-cheval dont il était à la fois le maître et l’esclave. La mise en scène nerveuse sert magnifiquement le cheminement suggéré. La scénographie quant à elle, très bien servie par les lumières, est efficace. Elle permet un changement rapide des lieux, transportant ainsi sans délai les personnages de l’hôpital au logis des parents, puis jusqu’au manège, dont la reconstitution est très astucieuse.
Sans faire pour autant oublier l’interprétation de François Périer autrefois, Bruno Wolkowitch est un remarquable docteur Dysart. La prestation de Julien Alluguette, très inspiré par le rôle d’Alan, est époustouflante. Christiane Cohendy et Didier Flamand, sont des parents très émouvants, Delphine Rich une Esther convaincante. Astrid Bergès-Frisbey, Jill tentatrice, Joséphine Fresson, infirmière énergique, Alain Stern, propriétaire des chevaux outragé, leur donnent la réplique avec talent. Une pièce dont personne ne sort indemne. Théâtre Marigny 8e.


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