L’ENVERS DU DÉCOR

Article publié dans la Lettre n° 393
du 29 février 2016


L’ENVERS DU DÉCOR de Florian Zeller. Mise en scène Daniel Auteuil avec Daniel Auteuil, Valérie Bonneton, François-Éric Gendron, Pauline Lefèvre.
Un quinquagénaire soudainement frappé par le démon de midi, un sujet bien banal que l’esprit fantasque de Florian Zeller adapte d’une drôle de façon pour son ami Daniel Auteuil.
Daniel, éditeur et lecteur insatiable, à voir la démesure de sa bibliothèque, rentre chez lui après avoir rencontré son vieux copain Patrick. Liés par une longue amitié, leurs relations se sont interrompues lorsque son ami a quitté Laurence, son épouse, pour Emma, une jeune femme de trente ans. Daniel est effaré par l’invitation à dîner qu’il a lui spontanément proposée sans en discuter d’abord avec sa femme. Le whisky qu’il se sert pour se donner le courage d’avouer sa malheureuse initiative à Isabelle, concentrée sur la correction de ses copies, est inutile. Scandalisée par l’attitude de Patrick à l’égard de Laurence, elle n’est pas du tout disposée à faire la connaissance de la remplaçante, surtout si jeune, il en est convaincu. Pourtant, après réflexion et contre toute attente, Isabelle accepte de les recevoir. Le soir dit, l’arrivée des deux invités déclenche une première salve de réflexions convenues. Mais, à mesure que la soirée s’écoule, la fraîcheur d’Emma charme Daniel, Isabelle sent le danger. Ce qu’ils pensent et ce qu’ils en disent défile alors comme l’éclair.
Florent Zeller concentre l’intrigue sur l’envers du langage. Pointus et sophistiqués, les dialogues vagabondent entre le discours et la pensée, stratagème très vite compris par les spectateurs ravis de cette complicité inattendue. Cette comédie insolite est un vrai cadeau et un rôle en or pour Daniel Auteuil qui, doublant la tâche, s’attelle à la mise en scène avec une jubilation qui le transcende. La première demi-heure est désopilante, Daniel tentant sans succès de dire à Isabelle ces simples mots: « J’ai invité Patrick et sa nouvelle compagne à dîner ». Daniel Auteuil et Valérie Bonneton maîtrisent parfaitement le dialogue et l’aparté, chacun essayant de comprendre ce que l’autre pense sans le dire. François-Éric Gendron et Pauline Lefèvre leur emboîtent le pas à mesure que se succèdent les rebondissements. Et pourtant quelle difficulté ! Ce double niveau de langage, révélateurs des réactions, des sentiments ou de la stratégie recherchée, représentent un exercice de diction périlleux qu’ils maîtrisent pleinement. L’effet comique va au-delà de toute espérance ! Théâtre de Paris 9e.


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