ÉNORME !

Article publié dans la Lettre n° 388
du 16 novembre 2015

ÉNORME ! de Neil LaBute. Adaptation Marie-Pascale Osterrieth et Charlotte Gaccio. Mise en scène Marie-Pascale Osterrieth avec Charlotte Gaccio, Julie de Bona, Bertrant Usclat, Thomas Lempire.
La vie semble sourire à Thomas. La société qui l’emploie lui convient et sa relation avec Julie la comptable, une fille très sexy, le satisfait, peut-être parce qu’il dame le pion à son collègue Quentin, désireux de la séduire. Celui-ci, obsédé par le sexe féminin, consomme puis jette. Thomas déplore mais ne juge pas cette façon de vivre. Le hasard lui fait rencontrer Hélène qui éveille en lui quelque chose de nouveau. Que fait-on, cependant, lorsque l’on est subitement attiré par une jeune femme intelligente, drôle et cultivée avec laquelle on s’entend à merveille mais dont les rondeurs un peu excessives ne peuvent qu’attirer les quolibets et autres remarques désobligeantes des collègues et amis? C’est la question à laquelle Thomas se trouve subitement confronté. Avec les années, l’humour aidant, Hélène est parvenue à vivre avec les désagréments de son surpoids. Thomas aime sa nouvelle compagne comme elle est, mais redoute le jugement que porteront les autres sur elle. Assumer son choix ou pas, là est la question.
Neil LaBute met le doigt sur un thème de société inextinguible : le regard des autres, la difficulté de ne pas se laisser impressionner par leurs railleries et l’enfer qui souvent en résulte. D’une plume acerbe, il dénonce la méchanceté incarnée par Quentin, attisée par la jalousie de n’avoir pas été préféré à Thomas, le dépit de Julie d’être évincée par Hélène.
Charlotte Gaccio, ravissante jeune femme toute en rondeurs, est superbe dans le rôle d’Hélène. Elle exprime avec une belle spontanéité le travail accompli par son personnage pour s’accepter, mais celui plus vain de se faire accepter. Thomas Lempire, dans le rôle de Quentin, est l’ami odieux, aux quolibets ravageurs. Dans un monologue âpre et émouvant, il avoue à Thomas sa honte d’avoir eu dans son enfance à se montrer en compagnie d’une mère qui prêtait à rire. Julie de Bona déploie tous ses charmes dans le rôle de Julie, jeune femme sûre de sa beauté, déstabilisée par la rupture de Thomas, ne comprenant pas sa préférence. Face à eux, Bertrand Usclat joue un Thomas tout en nuances, ferme lorsqu’il argumente, indécis lorsqu’il réfléchit, lâche lors de sa décision, partagé entre sa tendresse pour Hélène et la peur de se voir ridiculisé. Ils sont les personnages très authentiques d’une pièce au sujet universel. Théâtre de Paris - Salle Réjane 9e.

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