LES ENFANTS DU SILENCE

Article publié dans la Lettre n° 64
du 12 octobre 1992


LES ENFANTS DU SILENCE de Mark Medoff. Adaptation Jean Dalric et Jacques Collard. Mise en scène Jean Dalric et Levent Beskardes avec Jean Dalric, Emmanuelle Laborit, Joël Chalude, Nadine Basile, Anie Balestra, Fanny Druihle, Daniel Brémont.
A droite, le bruiteur prépare ses accessoires, à gauche, l'interprète prépare ses mains. Ils sont eux aussi les acteurs indispensables à la pièce qui va se jouer. Le décor est réduit à sa plus simple expression. Les différents lieux et objets seront matérialisés par le son. Tout est prêt pour entrer dans le monde du silence.
Jacques Leeds tente depuis des années d'extraire de leur isolement les enfants sourds dont il a la charge afin qu'ils parviennent à communiquer d'une façon ou d'une autre. Il a ainsi l'impression de leur insuffler une seconde vie et cela lui fait peut-être oublier celle de sa mère qu'il n'a pas su retenir. Certains refusent pourtant ce reflet d'eux-mêmes chez les autres et préfèrent rester emmurés dans un silence aussi riche à leurs yeux que le monde sonore, pour conserver leur identité, leur « je » profond et garder intacte cette partie d'eux-mêmes. Sarah est de ceux-ci. Psychologiquement abandonnée par sa famille, elle a grandi à côté des autres, accumulant frustration et rancune qui l'ont rendue rebelle. Jacques, d'abord par sympathie puis par amour, veut la sortir de cet enfermement volontaire mais là réside le conflit : il désire plus que tout la changer et la crier à son image. Lequel des deux passera la frontière du monde du silence?
En mettant en scène et en jouant la pièce de Mark Medoff, Jean Dalric et ses comédiens n'ont pas choisi la facilité. D'abord parce que cette œuvre dérangeante oblige à une réflexion, à un changement d'attitude envers l'existence du problème de la surdité, ensuite parce que matériellement la mise en scène et l'interprétation sont d'une complexité folle. Ils offrent cependant à un public d'entendants et de malentendants l'occasion de vivre quelque chose d'original et de rare, oscillant toujours de la gravité à l'humour, laissant pour longtemps dans la mémoire une émotion vive et intense. C'est plus qu'une réussite, une victoire qui va bien au-delà de ce qu'ils pouvaient espérer. Nouveau Théâtre Mouffetard 5e.

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