L'EDUCATION DE RITA

Article publié dans la Lettre n° 277


L’ ÉDUCATION DE RITA de Willy Russell. Adaptation Adriana Santini. Mise en scène Christophe Lidon avec Pierre Santini et Adriana Santini.
Mariée sans enfant, Rita est coiffeuse. Son métier est loin de la satisfaire. Avide de savoir, elle veut rattraper les années perdues sur les bancs insipides de l’école où écouter les cours dispensés par ses professeurs était un pensum. Après mûres réflexions et quelques hésitations, elle se décide à franchir le seuil de l’Université pour tous. Presque affolée par son désir irrépressible d’apprendre, elle rencontre Franck qui accepte à contrecœur de l’initier à la littérature. Celui-ci noie depuis des années son désenchantement dans l’alcool et la perspective de se charger de cette « étudiante » pour le moins atypique, ne le réjouit pas outre mesure. Mais leçon après leçon, le tempérament entier et explosif de Rita marque le pas face à sa curiosité d’apprendre. Tout d’abord rétive aux consignes, elle finit par s’y soumettre. Même si elle oscille parfois entre enthousiasme et découragement, elle prend goût à l’enseignement de cette culture qu’elle soupçonnait sans croire pour autant pouvoir y accéder et surtout, elle admire celui qui la lui fait partager. Son opiniâtreté à rechercher un autre but à sa vie, le plaisir d’acquérir un savoir, sa soif de reconnaissance, vont entamer la carapace que s’était forgé Franck. Cependant, une complicité intellectuelle entre deux personnes d’âge et de condition si différents n’a-t-elle pas ses limites ?
La mise en scène discrète de Christophe Lidon laisse beaucoup de liberté aux deux comédiens pour vivre ce face à face littéraire qui tourne parfois à l’affrontement. L’adaptation d’Adriana Santini insuffle un vent nouveau au texte et lui donne une modernité bienvenue dans les mots mais aussi dans les comportements et cette leçon de vie qu’ils se donnent l’un à l’autre parle bien parce qu’elle est actuelle.
Bernard Fresson et son ton bourru, Mathilde Seigner et son tempérament explosif avaient naguère cerné ces deux personnages avec talent (Lettre 192). Pierre et Adriana Santini donnent le petit plus inhérent à leur parenté. Inconsciemment sans doute, ils expriment subtilement les liens qui se tissent peu à peu entre maître et élève. Lorsque Franck s’adresse à Rita, c’est Pierre qui parle à sa fille. Lorsque Rita répond à Franck, c’est Adriana qui considère Pierre. Cette tendresse et cette complicité réciproques emplissent la scène et rendent la pièce encore plus crédible. Le public semble tout à coup s’être invité dans le salon des Santini et cette intimité partagée un bref moment émeut. Théâtre Mouffetard 5e.


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction