
« DES FLEURS POUR ALGERNON »
Article
publié dans la Lettre n° 345
du
29 octobre 2012
« DES FLEURS POUR ALGERNON » d’après
l’œuvre de Daniel Keyes. Adaptation Gérald Sibleyras. Mise en scène
Anne Kessler, Scénographie Guy Zilberstein. Lumières Arnaud Jung.
Son Michel Winogradoff avec Grégory Gadebois.
Charlie est un être simple qui prend la vie comme elle vient. Homme
de ménage dans une usine, il croit avoir des copains. Sa grande
joie est de participer à la classe pour adultes de Miss Kinian où
il apprend à lire et à écrire. Il aimerait lui dire qu’elle a de
beaux cheveux, mais il n’ose pas. « Merci Miss Kinian. Merci pour
tout ce que vous faites pour moi », aime-t-il à lui répéter. Le
Q.I. de Charlie ne dépasse pas 68 mais ses progrès engagent Miss
Kinian à le présenter à deux professeurs qui viennent de multiplier
les capacités intellectuelles d’une souris, grâce à une intervention
sur son cerveau. Tenter l’expérience sur un humain, serait pour
eux l’aboutissement de leurs travaux et la notoriété. Les deux savants
hésitent. Les premiers tests de Charlie avec la souris ne sont pas
convaincants. Charlie en est désolé. Dans celui du labyrinthe, c’est
toujours Algernon qui gagne. Bien sûr, sa motivation c’est le fromage
qui l’attend à l’arrivée, mais la sienne aussi est importante. Il
aimerait être plus intelligent, gagner face à Algernon, par exemple.
L’opération se fait malgré tout et réussit. Le Q.I. de Charlie a
triplé. Il découvre avec ivresse l’intelligence, la connaissance,
le raisonnement, l’amour aussi. On l’invite, on le regarde comme
une bête curieuse, il assiste à des conférences mais, paradoxalement,
il est de plus en plus seul. Puis avec le temps, l’intelligence
d’Algernon régresse, la sienne amorce un déclin identique… Etait-il
bien nécessaire de remercier Miss Kinian?
Cette nouvelle, écrite en 1959 par Daniel Keyes, un professeur américain,
fut maintes fois créée et portée à l’écran. Gérald Sibleyras, adaptateur
toujours aussi talentueux, permet à Anne Kessler et Guy Zilberstein
d’imaginer une mise en scène et une scénographie très subtiles.
Grégory Gadebois savamment éclairé par les lumières d’Arnaud Jung,
son texte discrètement soutenu par la musique, tient son public
en haleine. Autant admiré au théâtre qu’au cinéma, ce comédien d’exception
envoûte littéralement son auditoire. Tout d’abord gauche, l’élocution
incertaine, il prend de l’assurance, devient brillant puis lucide.
Assis ou debout, cette métamorphose est imperceptiblement suggérée
par le regard qui se fait plus vif, la voix qui se fait plus sûre,
le maintien qui se fait plus droit. Il émane de lui une sensibilité
palpable qui n’est pas sans rappeler celle de Jacques Villeret.
Parmi tant de créations théâtrales, se glisse souvent une perle.
Pas de noms d’artistes médiatiques ni de mise en scène tape à l’œil,
l’union seule de six personnes inspirées par une œuvre admirable
qui émeut mais fait aussi froid dans le dos. « Science sans conscience…».
Studio des Champs-Elysées 8e.
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