LA DAMA BOBA ou celle  qu’on trouvait idiote de Felix Lope de Vega. Mise en scène Justine Heynemann avec Sol Espeche,  Stephan Godin, Corentin Hot, Remy Laquittant, Pascal Neyron, Lisa Perrio,  Roxanne Roux, Antoine Sarrazin. 
                  Deux  sœurs, l’idiote et la femme savante. A Finéa un héritage conséquent, à Nise ses  livres. Leur père Otavio, sans illusion, aimerait bien les caser. Autour d’eux,  le poète Duardo dégouline de verbosité, la suivante Clara fraierait volontiers  avec Turin, l’astucieux valet du parasite Laurencio écartelé, sans trop de  scrupule d’ailleurs, entre son attirance mutuelle pour Nise et la fortune de  Finéa. Mais comment supporter l’absolue stupidité de l’héritière ? Liséo,  le prétendant légitime de la niaise s’en détourne au profit de la sœur poétesse,  la soif de l’or porte Laurencio vers l’idiote en qui l’amour révèle une  délicieuse rouée au-delà de sa désarmante naïveté. L’Agnès de l’Ecole des  Femmes de Molière n’est pas loin. Qui épousera qui ? Il faudra quelques  retours de situation successifs pour que le père acquiesce enfin aux doubles  épousailles. 
                  Le  parcours est semé de jalousie, d’éloquence ridicule, d’invention mutine, de  mensonges véniels. Et surtout de rire omniprésent. Le décor minimaliste permet  le déploiement de la verve et de la souplesse des corps. On se poursuit, on  échange des horions, on cabriole, autour, sur, sous deux lits bien au centre de  la scène. Métaphore du désir amoureux, des appétits d’or et de chair, des  satisfactions interdites. Les murs se font transparents quand s’ouvrent les  stores, révélant la porte dérobée ou les témoins cachés. Derrière la fantaisie  de la farce, s’inaugure une révélation de l’amour, qui passe par l’étrangeté et  le pincement d’une jalousie et d’un manque auquel Finéa ne sait pas donner de  nom. « Qu’est-ce cela qui m’enlève ma liberté » ? Point de  psychologie néanmoins. Finéa les prend tous par surprise par l’innocence de son  rapport aux mots. Puisque Laurencio l’a embrassée, il suffit pour se guérir de  lui qu’il la « désembrasse », mais le remède s’avère évidemment pire,  et plus délicieux encore, que le mal, « ce garçon, je sens que je vais  oublier de l’oublier » ! Envers et contre toute la misogynie du père,  c’est l’idiote déniaisée qui emportera la victoire, en mettant en œuvre un  stratagème inattendu. Sa sottise, un instant faussement recouvrée, viendra  abuser tout le monde.
                  Les  comédiens portent cette comédie avec une fougue hilarante, entremêlant le tout  de chants espagnols improbables, dans une folie de mots et de gestes à laquelle  on ne saurait résister. A.D. Théâtre 13 -  Jardin 13e.