LE CREPUSCULE DU CHE

Article publié dans la Lettre n° 323
du 28 février 2011


LE CRÉPUSCULE DU CHE de José Pablo Feinmann. Mise en scène Gérard Gélas avec Olivier Sitruk, Jacques Frantz, Guillaume Lanson, Laure Vallès, François Santucci.
Début du 21e siècle, le journaliste Andrès Cabreira a gagné les 25.000 $ de la Fondation Guggenheim qui lui permettront de mener à bien cette enquête qui lui tient tant à cœur sur les véritables circonstances de la mort d’Ernesto Guevara. Qu’en fut-il exactement de cette nuit du 8 octobre 1967 ? Si tout le monde s’accorde à y voir un assassinat par ses geôliers boliviens, dont la photographie mondialement diffusée a donné la vision du cadavre, comment le Che a-t-il vécu ses dernières heures ?
Convoquant en anamnèse les diverses figures du chef historique, Cabreira va progressivement contribuer à en éclairer les facettes ambivalentes entre ombre et lumière.
La scène s’ouvre sur le gigantesque portrait mortuaire du Che qui lentement s’abaisse pour servir de plancher sur lequel piétineront les différents personnages. Descente symbolique, où le beau héros mythifié laisse les plumes de l’ange et de l’icône, tout en y acquérant peut-être une réalité plus contrastée et plus humaine, entre romantisme extatique de la lutte sociale et violence barbare du fanatisme, entre idéal nourri à la source des philosophes et sacrifices sanguinaires imposés aux petites gens au nom de la Révolution mondiale.
Olivier Sitruk campe, dans une ressemblance saisissante, cet être tourmenté jusqu’à l’hystérie. Face à lui, Jacques Frantz est bouleversant de vraisemblance dans l’ambiguïté de sa démarche qui n’est pas purement intellectuelle et professionnelle, avec en filigrane ce frère mort dans des conditions que l’hagiographie familiale a rendues pleines de mystère honteux. Chantre massif de la paix et de la non violence, en contrepoint verbal musclé de ce Che nerveux et tendu en constante colère avec le monde et lui-même. Dans leur perspective, passent divers soldats et bourreaux (Guillaume Lanson et François Santucci) et des figures douloureuses de femmes, entre autres celle de l’épouse du Che, qu’habite Laure Vallès à la voix particulièrement mélodieuse et émouvante. Tant de questions différées et de réponses évacuées… On suit avec un intérêt qui ne se dément jamais cette joute haletante qui, si elle ne peut évidemment rien résoudre, nous laisse sur notre faim inévitable, non sans avoir aiguisé un appétit fébrile sur un des mystères jamais éclairés de l’Histoire contemporaine. Qu’il est donc beau, sur ce portrait mondialement connu, le regard du Che tourné vers des horizons lumineux… Théâtre du Petit Montparnasse 14e. A.D.


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