COMME EN 14 !

Article publié dans la Lettre n° 474
du 6 mars 2019


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COMME EN 14 ! de Dany Laurent. Mise en scène Yves Pignot. Avec Marie Vincent, Virginie Lemoine, Ariane Brousse, Katia Miran, Axel Huet.
Quand la guerre sera finie… Certes, mais, pour l’heure, le canon tonne au plus près, les blessés affluent, les femmes tentent d’endiguer les hémorragies. On ampute les blessés, on assomme leurs souffrances à coup de chloroforme, on pare à l’immédiat, sans grande illusion. Tandis que, sur la façade de la mairie voisine, s’égrène la liste en expansion des morts du jour.
Dans la salle de repos, qui devrait l’être en tout cas, Mademoiselle Marguerite s’affaire à la moins mauvaise marche de cet hôpital de fortune, où les médecins sont des vieillards et les bénévoles des jeunes femmes inexpérimentées. Suzy chante et s’accroche à son amoureux mutilé qu’elle couvre d’attentions souriantes, Louise pleure, se pâme et s’accroche à l’espoir du retour de son fiancé. La cousette et la grande bourgeoise sont réunies dans un pacifisme militant et dangereux. Marguerite et la comtesse, venue au chevet du fils qu’on ampute, sont liées indéfectiblement par une amitié d’enfance au château, l’une, célibataire avec son bon sens bougon de fille du peuple, rabroue l’autre, coincée dans sa verticalité d’aristocrate, veuve cassante voire méchante, confite dans les principes de sa caste et une piété qui chancelle. Le fils chéri Henri gît à côté, alors que Pierre son cadet, un gentil attardé, suscite la tendresse amusée de ces femmes. Marguerite ne mâche pas ses mots et ne retient pas des pleurs vite enfouis, Adrienne s’ouvre à une érosion douloureuse mais salutaire de ses préjugés. On rit et pleure, on fume et boit sans vergogne.
En filigrane, le sang stupidement répandu des hommes, le deuil, la mort en marche.
C’est Noël, comment faire la fête dans cette atmosphère délétère ? Elles s’offrent de menus cadeaux et la comtesse régale et offre les gâteries d’une trêve joyeuse, autant que violente dans les bouleversements qui la sous-tendent.
La mise en scène est efficace, sans lenteur ni surcharge.
Quatre beaux portraits de femmes dans la tourmente, très bien joués en contrastes et rehaussés par la gaieté désarmante, c’est le cas de le dire, d’un grand dadais sans malice.
Une véracité sans larmoiement, bien utile face aux discours de la commémoration officielle. A.D. Théâtre La Bruyère 9e.


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