CHICHE L’AFRIQUE

Article publié dans la Lettre n° 345
du 29 octobre 2012


CHICHE L’AFRIQUE de et avec Gustave Akakpo. Mise en scène Thierry Blanc.
Toute ressemblance avec des faits ou des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite… C’est ainsi que se prémunit l’orateur de la conférence de presse. Et il a bien raison de prendre de telles précautions, car le défilé de mode auquel il convie le public risquerait de ne pas le laisser sortir indemne hors de ce studio, alors que tonnent et résonnent à l’extérieur les mitrailles diverses !
Hauts en couleurs, ces mannequins de la grande et petite politique africaine du dernier demi-siècle… habillés des oripeaux de pouvoirs tyranniques et frelatés que leur ont offerts sans vergogne ni pudeur les Européens coloniaux et post-coloniaux. De leurs anciens dominateurs, ils ont pris tous les tics et les travers, en les amplifiant souvent jusqu’à la caricature. Né au Togo, Gustave Akakpo, qui les connaît bien de l’intérieur, n’a guère besoin de forcer le trait et son féroce humour peut puiser une matière véridique, hilarante, autant qu’inquiétante, dans les discours et les documents d’archives. Dans une galerie de portraits saisissants d’authenticité, il campe à leur tour, avec une réjouissante force mimétique, ces potentats que la France-Afrique, entre autres puissances mondiales, a confortés dans leurs instincts de prédateurs aussi cyniques que leurs modèles coloniaux.
Le défilé est savoureux et criant de vérité. A l’ONU comme dans les palais locaux, de Pasqua, Chirac à Nicolas en passant par Bongo et autres Mobutu et Biya, de l’anonyme fonctionnaire des douanes jusqu’aux chefs d’Etat, chacun en prend pour son grade, avec volubilité, véracité des accents, émotion à peine voilée devant les scandales de l’uranium ou du pillage concerté des richesses. C’est surtout un grand chant de tendresse pour ce continent, face aux cynismes divers et aux intérêts exacerbés, qui se clôt dans le silence impressionnant de l’évocation de toutes ces voix qui se sont élevées dans la révolte et qu’on a fait taire dans le massacre.
L’Histoire est si parlante quand elle a recours à la complicité du rire. Merci, Monsieur Akakpo. Théâtre de Belleville 11e. A.D.


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