CAPRICES

Article publié dans la Lettre n° 370
du 16 juin 2014


CAPRICES d’après Francisco di Goya. Texte de José Drevon. Mise en scène Guillaume Dujardin avec Maxime Kerzanet.
Obscurité totale, noir oppressant. Une voix à peine esquissée qui chuinte. Quelques lueurs se fraient lentement le passage sur l’ébauche d’un nez qui pointe, d’un visage à l’envers, d’un corps qui émerge. Et le flot ininterrompu des cauchemars se déroule dans un monologue dialogué qui oscille entre le sardonique et l’hystérique, le rêve et la réalité, le fantasme et la visualisation. Au-dessus de lui, la vie ordinaire, familiale et sociale l’appelle, mais Goya est descendu dans son antre physique et mental, dans le dénuement de sa surdité et de sa solitude si habitée. Il joue avec les ombres de sa mémoire, de sa fertile imagination, de ses yeux sans repos, donnant libre cours à des visions d’horreur de corps arrachés, de volatiles terrifiants, de pureté virginale revendiquée et souillée. De ce malaise aux bornes de la nausée s’organise peu à peu le flux créateur des futurs Caprichos. La folie qui guette n’interdit pas la lucidité et l’ironie sur les ridicules sociaux, les hypocrisies et les allégeances nécessaires à la survie du peintre de Cour. Une magnifique leçon de regard et de métaphore, comme l’hygiène mentale du créateur. Maxime Kerzanet est terriblement persuasif à nous emporter, presque malgré nous, dans le sillage de sa violence et de ses ricanements, dans une variété de tonalités d’autant plus surprenante que l’espace théâtral et les gestes sont réduits à un quasi dépouillement. L’obscurité se referme, mais l’œil a écouté et vu. A.D. Théâtre de l’Atalante 18e.


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