LE CANCRE

Article publié dans la Lettre n° 396
du 2 mai 2016


LE CANCRE d’après Daniel Pennac. Mise en scène et interprétation Bernard Crombey.
Etre un cancre, c’est s’enfermer douloureusement dans une citadelle, dans la certitude qu’on ne comprend rien des attentes familiales et scolaires, dans le doute entretenu sur les déceptions qu’on suscite et les aptitudes à s’en arracher. C’est être le vilain petit canard d’une fratrie de réussites multiples, celui qui croit n’avoir d’autres choix pour exister aux yeux des autres que les chahuts, les exclusions à répétitions, un parcours chaotique. C’est surtout répéter à cris muets son inextinguible besoin d’amour. Alors, quand sur sa route on croise le regard perspicace de quelques professeurs qui décèlent ce manque informulé, on est prêt à offrir les trésors cachés de son imagination, de lectures enfouies sous les couettes de la solitude insolente, des beautés de la langue dégustées en cachette. Un dictionnaire amoureusement ressassé, des admirations enfin avouées, un coup de foudre ravageur et stimulant, et voilà l’oisillon rétif transformé en cygne à son tour dévoué à la transmission sans retenue de ses expériences et de ses passions. On se livre à l’écriture, on devient passeur d’émerveillements littéraires et orthographiques pour laissés-pour-compte de la réussite, professeur de lettres pour petits et sans grade des déserts scolaires.
Bien sûr, derrière le sourire patient et inventif, se nichera toujours l’endémie sourde du cancre, mais cette angoisse autorisera un regard et une écoute d’autant plus attentifs.
Ah, Le Pont Mirabeau revisité en verlan….
Bernard Crombey donne à voir, avec humour et une formidable autodérision, les affres d’un grand enfant, entre blessures jamais vraiment refermées et cicatrices utiles. Culotte courte et tableau noir, pupitre, et des livres, surtout des livres. Daniel Pennac ouvre ainsi Comme un roman : « Le verbe lire ne supporte pas l’impératif. Aversion qu’il partage avec quelques autres : le verbe aimer, le verbe rêver… ». Bernard Crombey s’en inspire, tout en apportant la preuve que rien n’est jamais clos et, par un regard décalé, ouvre les sentiers de la nostalgie d’enfance, entre sourires et souvenirs. Un bien joli moment. A.D. Lucernaire 6e.

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