LES CAHIERS DE MALTE LAURIDS BRIGGE

Article publié dans la Lettre n° 305


LES CAHIERS DE MALTE LAURIDS BRIGGE de Rainer Maria Rilke. Adapattion et mise en scène Bérengère Dautun avec Bérengère Dautun, Guillaume Bienvenu.
Malte est jeune et déjà torturé, dans une pose de qui-vive à la fois élégante et raide, et son regard s’alanguit rêveusement vers le lointain d’un monde évanoui. Château familial, grand-père altier que la mort imminente rend déconcertant et dont la voix hautaine commande au cœur de l’effroi collectif. Seuls les chiens ignorent naïvement la présence obsédante de la Mort, qui anime toute la méditation de Malte. Face à lui, délicate, raffinée, se tient la mère, en écrin des souvenirs qui ont modelé l’enfant devenu adulte, qui ne se résigne pas à la perte de leur tendre complicité. Diaphane, joyeuse, elle raconte le passé au présent, évoque figures et moments disparus comme ce rouleau de dentelle ensemble dévidé, à nouveau enroulé. Du récit monophonique de Malte, l’adaptation théâtrale choisit de mettre en dialogue et obscurités alternées la réflexion sur le temps et la nostalgie, la mort à apprivoiser. A lui, le poète torturé - Guillaume Bienvenu convaincant - le lot de sensibilité exacerbée et d’angoisse, entre rêve et réalité, lumière et crépuscule. A elle, la mère - ô combien élégante Bérangère Dautun - la jeunesse, le sourire, le présent vivifié, la moquerie tendre du regard porté sur une Cerisaie tchékhovienne revisitée par Proust. Etait-il possible d’éviter une transcription trop visuellement fidèle ? L’imprécision d’irréalité fantastique voulue par Rilke s’y galvaude sans doute et on n’échappe peut-être pas à la légère lassitude de ce texte en cocon désuet. Mais le plaisir est réel et incontestable. Théâtre de la Huchette 5e. A.D.


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