BUNKER. LETTRES DE MAGDA GOEBBELS

Article publié dans la Lettre n°582 du 22 novembre 2023


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BUNKER. LETTRES DE MAGDA GOEBBELS de Christian Siméon. Mise en lecture Johanna Boyé. Avec Julie Depardieu, Stefan Druet Toukaïeff.
En 1916, Magda a quinze ans. Belle, séduisante, intelligente et cultivée, un avenir radieux l’attend. Victor Haïm Arlosoroff, son premier et grand amour, est sioniste. Il lui offre une étoile jaune, elle apprend l’hébreu et projette de partir avec lui en Palestine. En quête d’une cause à défendre, elle cherche à « exister » mais la vie les sépare. En 1921, malgré leur différence d’âge, elle épouse Günther Quandt dont elle a un fils. Elle divorce huit ans plus tard, goûte à sa liberté nouvelle et renoue avec Victor. Douze ans plus tard, au cours d’un meeting, l’orateur qui harangue la foule la tétanise. Il s’agit de Joseph Goebbels dont elle écoute le phrasé plutôt que les propos. Subjuguée, elle adhère au Club Nordischer Ring, favorable au parti nazi, puis au NSDAP. Elle travaille à la direction du Parti et croise Joseph Goebbels. Amoureux fou, il la courtise. Elle cède à cet homme au physique ingrat et l’épouse en 1931. Deux ans plus tard, elle apprend la mort de Victor, assassiné dans des conditions obscures à Tel-Aviv. En 1939, Richard Friedländer, son ex-beau-père qui l’a adoptée et élevée avec tendresse, meurt déporté à Buchenwald.
Les années suivantes sont marquées par la naissance de six enfants. La jeune femme lumineuse devient une reproductrice, modèle parfait de la famille aryenne, symbole du Reich florissant, qui supporte mal les maîtresses de son époux. Les jours heureux s’en sont allés. Le sort des juifs l’indigne mais, fascinée par le Führer, l’adhésion à ses idées reste intacte.
Au mois d’avril 1945, son entourage la prie sans succès de laisser ses enfants quitter le bunker du Führer. Albert Speer, l’architecte d’Hitler, lui propose de les exfiltrer mais elle refuse de s’en séparer. Elle décrète que « le monde qui va venir après le Führer et le national socialisme ne vaut plus la peine qu’on y vive » et considère que le patronyme Goebbels leur sera trop lourd à porter. Elle leur administre elle-même le poison.
Christian Siméon s’est inspiré des lettres, des témoignages et du journal de Joseph Goebbels pour retracer le destin de cette «première dame du Reich». Portés par une mise en scène, sous la forme d’une lecture, et une musique pleine de rythme, Stefan Druet Toukaïeff et Julie Depardieu passent avec efficacité d’une lettre à l’autre, effroyable décompte des dates jusqu’aux derniers jours.
On suit le passage du temps, des années fastes au jour de l’entrée des russes dans Berlin détruit, et l’on cherche à comprendre. Comment une femme généreuse, pleine de projets et de vie, amoureuse d’un juif, donc ouverte aux relations mixtes, peut-elle se transformer en épouse radicale et fanatique ? Comment une mère aimante peut-elle devenir six fois infanticide sans être pour autant une Médée vengeresse ? Diplomate, André-François Poncet écrivit à son sujet: « Je n’ai jamais vu une femme avec des yeux aussi glaçants ». Le regard n’est-t-il pas le reflet de l’âme ? M-P P. Théâtre Tristan Bernard 8e.


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