BRITANNICUS

Article publié dans la Lettre n°482 du 26 juin 2019


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BRITANNICUS de Racine. Mise en scène Christine Joly. Avec Philippe Lebas et Christine Joly.
Le titre de la pièce pourrait donner à penser que Britannicus en est le héros. En réalité, Racine use de ce choix dilatoire pour mieux instiller une atmosphère de danger croissant, celui de l’omnipotence que Néron s’octroie en se débarrassant progressivement de tous les obstacles qui se dressent moralement et physiquement sur son chemin. La construction du drame en tire sa structure concentrique autour de la figure de Néron et des morts qu’il suscite. Or son principal adversaire, c’est Agrippine sa mère, venue aveuglément et trop tard à la lucidité sur le monstre qu’elle a engendré. Les récits en cercles concentriques permettent de resserrer l’intrigue, de confidences d’alcôve en tentatives avortées de séduction amoureuse, d’entrevues d’amour désespéré en monologue maternel voué à l’échec, de conseils venimeux de l’affranchi en raisonnement spécieux, voire cynique, sur ce qui fonde la tyrannie.
Pour mieux mettre en relief cette montée insidieuse vers l’horreur de la violence physique et mentale qu’exerce Néron sur son entourage, Philippe Lebas et Christine Joly ont fait le choix étonnant et judicieux d’une mise en scène très dépouillée, où ne ressortent que la banquette impériale où s’alanguit Néron et s’assoit momentanément Agrippine, ou le grand drap de velours pourpre qui se fera alternativement ornement ou voile de chevelure féminine, cape impériale, traîne maternelle. Car il s’agit pour Philippe Lebas de représenter à lui tout seul le texte racinien dans son entier, comme un très long monologue avec intonations variées. Entrevue dans la pénombre sur le côté de scène, Christine Joly est à la fois le souffleur, l’ombre portée d’Agrippine, la mention du personnage qui parle, jusqu’à jouer enfin le rôle en pleine lumière de la mère de l’empereur. Effet saisissant de l’apparition gigantesque du visage de Néron en surplomb d’un Britannicus révolté et suppliant, en posture de crucifié. Toute l’atmosphère est couleur anthracite du danger et de la mort, zébrée du rouge pourpre du pouvoir, du rouge sang de la violence.
La performance de Philippe Lebas est impressionnante de vérité et de variété. Et la prosodie racinienne en est comme épurée. Un spectacle vraiment pertinent. A.D. Artistic Théâtre 11e.


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