BARZOÏ

Article publié dans la Lettre n°563 du 8 février 2023


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BARZOÏ de Gabriella Rault et Aurélien Fontaine. Mise en scène Gabriella Rault. Avec Nusch Batut Guiraud, Aurélien Fontaine, Léa Negreira, Peter Sfeir et Milo Taft (et la voix de Laurence Masliah).
D'abord, il y a Zapata, un lévrier barzoï, qui a eu le mauvais goût de mourir, alors que son maître Michel allait courir le guilledou avec sa chérie en Toscane. La faute en incombe au fils aîné, Paul,  préposé momentané à la garde du chien, et qui avait oublié que le guacamole est fatal aux chiens de cette espèce. Aidé de son ami et voisin Adrien, il emmaillote avec douleur et répulsion la dépouille qu'il confie à la bonne garde du congélateur. Le jour funeste est triplement mal choisi, puisque Michel appelle régulièrement pour prendre des nouvelles de son copain canin, que Chloé la sœur cadette a prévu de tourner un documentaire sur la fratrie et ses relations au père veuf et monoparental, que le troisième larron de la famille, Edouard, doit s'envoler le soir même vers l'Argentine qu'il parcourra pédestrement avec Reina, fraîchement rencontrée sur un forum de périples partagés.
Comment annoncer la disparition tragique du quadrupède, avec les précautions nécessaires à ménager leurs hypersensibilités spécifiques, à Chloé surexcitée, à Edouard petit dernier fragile, au père éloigné ? Chacun réagit à sa manière, mais dans un déni qui leur est commun, de toute évidence. Paul opte pour une formulation dilatoire, qui permet aux deux autres de s'engouffrer dans d'invraisemblables scénarios, disparition, jeu de rôles au Far West, prise d'otage, tournage d'une vidéo des ravisseurs, mensonges en cascade au père de plus en plus inquisiteur à distance.  Tout se déroule sous les yeux ébahis des deux étrangers à la famille, Adrien et Reina, qui renoncent bien vite à contrecarrer, avec leur bon sens initial, les délires fraternels et finissent par faire cortège aux élucubrations désopilantes. Le congélateur explose, le croque-mort s'en mêle... et tout s'achève en chansons émues.
Tout est dérapage dilatoire dans cette tragi-comédie burlesque, dont la drôlerie sans entraves autorise, en filigrane, une réflexion plus profonde sur l'incapacité à assumer le deuil, à faire ressurgir et formuler les émotions, à secouer sainement les strates de non-dits accumulés depuis un deuil bien antérieur. Parler, hurler, rire, chanter, pour surtout ne rien dire d'essentiel et de vrai. Dans une transparence involontaire de chacun, qu'aucun mensonge accumulé ne parviendra à occulter.
Les cinq compères s'en donnent à cœur joie, musiques diverses à l'avenant. Le spectateur hilare, bouche bée d'incrédulité, assiste à ce déchaînement digne des Marx Brothers. Eh oui, ils osent ! Et on redemande ! A D. Théâtre des Déchargeurs 1er.


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