BAJAZET

Article publié dans la Lettre n° 423
du 17 avril 2017


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BAJAZET de Jean Racine. Mise en scène et scénographie Éric Ruf avec Alain Lenglet, Denis Podalydès, Clotile de Bayser, Laurent Natrella, Anna Cervinka, Rebecca Marder, Cécile Bouillot.
Après l’œuvre majeure que représente « Bérénice », Racine s’offre un sujet neuf mais très prisé à son époque : le désir de se pencher sur l’Empire Ottoman, ses coutumes et ses mœurs. Il s’inspire d’une histoire vraie survenue trente ans plus tôt, dont le Comte de Cézy, alors ambassadeur à Constantinople, avait été instruit, et en fait une tragédie, réunissant ses thèmes de prédilection dans le contexte oriental que lui offrent les actes menés par les passions d’un Sultan et de son entourage, résolus à coups de trahisons.
En partant avec son armée pour assiéger Babylone, le sultan Amurat a remis tous ses pouvoirs à sa favorite Roxane. Il lui a particulièrement recommandé de surveiller Bajazet, son frère, dont il suspecte l’ambition à tel point que, depuis son camp, il lui adresse l’ordre de le mettre à mort. Le grand vizir Acomat, sentant sa disgrâce, a quant à lui d’autres projets. Il complote pour que Bajazet accède au trône. Il tue le messager porteur de la lettre et organise une rencontre entre Roxane et le frère du sultan dans l’espoir que la jeune femme en tombe amoureuse. Il ignore que le cœur de Bajazet est déjà pris. Depuis l’enfance, il aime Atalide, sa jeune parente, élevée avec lui au Sérail, amour partagé par la princesse. Acomat, lui-même épris d’Atalide qu’il espère épouser, se sert d’elle comme intermédiaire et persuade Roxane de donner son soutien à Bajazet. Celle-ci, amoureuse, accepte, à condition que Bajazet l’épouse le jour même. Ne pouvant satisfaire l’exigence de Roxane, Bajazet tergiverse. Elle le menace de sa vengeance s’il n’accède pas à son désir. Appuyé par Acomat, Atalide s’oubliant elle-même, supplie Bajazet de céder à la favorite. Bajazet doit feindre mais il est bientôt pris entre le revirement coléreux d’Atalide qui l’a pourtant encouragé et les soupçons de la sultane qui finit par découvrir l’amour mutuel des deux cousins. Elle ordonne la mise à mort de Bajazet alors que le sultan Amurat, mis au courant de ce qui se trame, envoie un autre messager porteur d’un ordre de mort pour l’infidèle Roxane. Acomat qui a armé ses partisans afin de renverser le pouvoir ne peut protéger Bajazet et empêcher son exécution par les soldats d’Amurat. Atalide, désespérée, refuse de fuir avec lui et se donne la mort.
Une bonne douzaine d’armoires peuple la scène, elle-même jonchée de souliers alignés. Les premières évoquent l’intimité ténébreuse d’un gynécée où naissent les affres de l’amour qui ravage tout, avec ses couloirs étroits et ses portes dérobées, sa succession de pièces et d’alcôves étouffantes aux placards renfermant les effets soyeux des femmes mais aussi leurs secrets. Les secondes, dépourvues de vie et dont les accessoires peuvent servir d’armes mortifères, disent l’impossibilité de s’échapper, courtisanes prisonnières des désirs d’un sultan et prisonnières aussi des fantasmes les plus fous. La scénographie sert parfaitement la mise en scène minutieuse, propice à l’exposition d’une tragédie dont l’authenticité exotique sert de miroir à une Cour occidentale semée, elle aussi, de chausse-trapes. Où conduisent le pouvoir jaloux d’Amurat, l’ambition traitresse d’Acomat, l’amour contrarié de Bajazet, la jalousie morbide de Roxane et l’amour inconditionnel d’Atalide sinon à la destruction ? Leur état d’esprit, à son paroxysme dès le début, se déploie et s’enflamme, chaque acte ponctué par quelques mesures de musique. Pas le moindre ennui, pris que nous sommes par le déroulement des actes dévastateurs commis, et la tragique fatalité du dénouement. M-P P. Théâtre du Vieux-Colombier 6e.


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