AVEC DEUX AILES

Article publié dans la Lettre n° 286


AVEC DEUX AILES de Danielle Mathieu-Bouillon. Mise en scène Anne Bourgeois avec Véronique Jannot, Marc Fayet.
Y a-t- il une vie après la mort ? Que se passe-t-il après ? Une grande lumière, un trou noir ? Peut-on revenir pour veiller sur ceux que l’on a aimés ? Toutes ces questions, vieilles comme le monde, Valentine ne pensait pas se les poser si tôt. Aujourd’hui, cette élégante quarantenaire se rend à un mariage. Un stupide accident de voiture stoppe son voyage. En attendant la dépanneuse, elle se retrouve sur une plage écrasée de soleil. Cela devrait lui paraître étrange, mais non. Que le lieu soit désert, uniquement peuplé par un homme, tout de blanc vêtu, tricotant de façon peu orthodoxe sous un parasol, ne la surprend pas plus. Mais que le tricoteur soit désagréable et peu disert l’a met en colère. Laurent, puisque tel est le prénom de l’as du jeu d’aiguille, boude. Il faut comprendre. À son âge, il est toujours intérimaire. Il aimerait bien voler de ses propres ailes. Dans sa partie, c’est primordial, Laurent est un ange gardien. Il pressent qu’avec Valentine, la tâche va être rude. Elle ne veut pas mourir. Elle ne veut pas admettre l’inadmissible. Valentine bouillonne d’énergie. Elle est exactement entre ailleurs et nulle part, dans les limbes. Laurent va aider Valentine à accepter son nouvel état. Notre ange gardien va avoir maille à partir avec elle.
Depuis que l’homme a conscience de sa conscience, le cap après la mort occupe qu’on le veuille ou non nos esprits, que l’on soit croyant ou non. Ce thème est peu exploité au théâtre. Danielle Mathieu-Bouillon a écrit une jolie pièce, légère comme un nuage. Pour ce propos grave où les témoignages manquent, elle a tricoté pour ses interprètes un dialogue en dentelle. Elle jette Valentine dans un désespoir bien compréhensible et lui donne une planche de salut, tenue par un ange gardien. Dans les propositions, il y a beaucoup d’espoir, de tempérance. La pièce ne parle pas de la mort, c’est une comédie sur laquelle souffle une bouffée d’air frais, une bise apaisante.
Anne Bourgeois et Véronique Jannot ont eu un coup de cœur pour cette pièce. Anne Bourgeois est un metteur en scène qui fait du cousu main. Une intelligence du texte liée à un amour des comédiens, sont les marques de fabrique de ce tourbillon énergique qui se nomme Anne Bourgeois. Une difficulté de taille, c’est comment là-haut ? Pas d’effets spéciaux, pas de fumée, pas de pyrotechnique mais beaucoup de poésie. Cette pièce marquera un tournant pour la populaire Véronique Jannot. Son élégance naturelle, sa présence, la sympathie immédiate qu’elle dégage nous mettent en phase directe avec Valentine. Marc Fayet est l’ange gardien que l’on souhaite tous. Il faut saluer sa performance puisqu’il a repris le rôle créé par Jean-Michel Dupuis en tournée, en neuf jours. Une jolie performance pleine de drôlerie bourrue, le tout enveloppé par un nuage de charme. Petit Théâtre de Paris 9e.


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