L’AUTOBUS

Article publié dans la Lettre n° 446
du 17 janvier 2018


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L’AUTOBUS de Stanislas Stratiev. Mise en scène Laurence Renn Penel avec Raphaël Almosni, Lucien Bécimol, Solal Forte, Gabrielle Jéru, Laurent Lévy, Natacha Mircovich, Gall Paillat, Christophe Sigognault, Marc Ségal.
Neuf personnages montent dans un autobus, ou plutôt une épure de véhicule tout en tubulures et sièges métalliques. Et ce qui devrait être le parcours banal vers le centre de l’agglomération, avec ses arrêts connus, ses tournants ordinaires, se mue rapidement en course folle vers un enfer prévisible. Le chauffeur, encagé et invisible dans sa gloriette en surplomb, vient en effet de se lancer dans la quête d’une boulangerie, improbablement ouverte à cette heure tardive. Les passagers de la folle équipée, après avoir exprimé les désarrois de leurs vies, se laissent aller désormais à une hystérie qu’amplifient leurs travers individuels et collectifs. Le violoncelliste se lamente sur le concert auquel il risque de ne pas participer. Le faux idéologue ratiocine à tout va, le couple faussement divorcé pour convenances immobilières se déchire, le paysan divague entre les omnibus, le poivrot geint sur sa bouteille qui se vide, l’ouvrier ne livrera pas à temps le fer à souder, les amoureux impudiques se bécotent à bouche-que-veux-tu.
Quelques tentatives pour ramener le conducteur à la raison et au parcours se soldent par l’échec et le rythme s’accélère diaboliquement. Le partage du pain vire au lynchage du bouc émissaire, malgré les mises en garde du bon sens paysan. Le tout dans les cahots de l’autobus en folie et le chaos en métaphore d’une société d’enfermement et de servilité. Les acteurs sont remarquables, dans leur souplesse individuelle et le rythme qu’ils impulsent à leur orchestre, hébétés et joyeusement ridicules.
Le rire grince comme les essieux et le brusque retour à une apparente normalité laisse le public plein de courbatures. Chacun compte ses abattis, nul ne sort indemne d’une clownerie de l’absurde qui résonne avec tant de justesse à l’intime des pusillanimités de toute époque. A.D. Théâtre 13 - Seine 13e.


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