AU PLUS NOIR DE LA NUIT

Article publié dans la Lettre n° 463
du 3 octobre 2018


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AU PLUS NOIR DE LA NUIT d’après André Brink. Adaptation et mise en scène Nelson-Rafaell Madel avec Adrien Bernard-Brunel, Mexianu Medenou, Gilles Nicolas, Ulrich N’toyo, Karine Pédurand, Claire Pouderoux.
Le plateau est nu, seuls deux corps se cherchent et se frôlent, s’enlacent dans le clair-obcur, une femme blanche, un homme noir. On la retrouvera morte, il se livrera à la police. Seul dans sa cellule, au plus profond de la nuit qui précède son exécution, Joseph Malan écrit la confession d’une vie entre noir et blanc, Noirs et Blancs, blancheur de la candeur et des idéaux et noirceur de l’ostracisme, des stigmatisations raciales. Il est l’heure pour lui de tracer l’inventaire sans vindicte ni amertume de ce qui lui appartient vraiment dans sa vie chaotique, en dénouant l’écheveau de possibilités entrevues et de réalisations avortées. Une filiation d’hommes révoltés, une mère pieuse et virulente, un ami d’enfance, blanc et fidèle, la perversité haineuse des autorités, des rencontres inopinées et truculentes. Joseph a décidé dès l’enfance qu’il serait comédien, Londres et l’Angleterre lui ouvrent les portes d’une réussite et d’une liberté qu’il remet en cause en choisissant le retour vers l’Afrique du Sud. Il y fondera une troupe, qui jouera devant les publics les plus improbables, jusqu’à ce que l’apartheid le rattrape et que la passion interdite le mène, lui Joseph, vers l’inéluctable, les yeux grands ouverts, sans illusion ni regrets. C’est le prix qu’il accepte de payer pour la paix de sa lucidité et la sérénité de toutes les figures qu’il a croisées et qu’il évoque tour à tour.
La mise en scène donne à voir la souplesse des corps, le charme dérisoire des cantiques, la vibration permanente de la révolte et des rires. Autour de Mexianu Medenou, magnifique Joseph, l’ensemble de la troupe rend un superbe hommage au théâtre, qui transcende les horreurs des despotismes. Les rôles s’interchangent, les voix s’entremêlent sans pathos inutile.
On sort enchanté et sainement bouleversé de ce flux de présence physique et de paroles qui font mouche et portent loin.
Bravo. A.D. Théâtre de la Tempête - Cartoucherie de Vincennes, 12e.


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