APRÈS LA RÉPÉTITION

Article publié dans la Lettre n° 427
du 15 mai 2017


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APRÈS LA RÉPÉTITION de Ingmar Bergman. Mise en scène Nicolas Liautard avec Sandy Boizard, Nicolas Liautard, Carole Maurice.
Un plateau de théâtre déserté par les comédiens, dont on entend encore les voix à l’extérieur. La répétition est finie, le metteur en scène, Henrik, reste seul, un peu las, au bord de la sieste. La jeune Anna, à qui incombe le premier rôle, revient sous un prétexte futile lui exprimer ses doutes, ses inquiétudes, sa fragilité. Sous couvert de pédagogie et d’éclaircissements sur quelques gestes, s’engage un dialogue, anodin d’abord, de plus en plus personnel, de plus en plus faussé, entre charme et réticences. L’étrangeté en est renforcée par l’irruption de la mère, Rakel, que sa fille Anna déclare haïr, et qui fut aimée jadis d’Henrik. Elle est morte cinq ans auparavant, après avoir sombré dans l’alcool et la démence. Elle revient provoquer avec amour et violence son amant et mentor théâtral, qui la repousse.
Trio étrange entre vie et mort. Anna assiste-t-elle en témoin caché à cette joute amoureuse ? Est-ce l’hallucination d’Henrik ? Où commence le jeu, où s’arrête la vérité des corps et des sentiments ? Rakel s’en va, Anna revient. La tonalité a changé, la jeune élève est maintenant manipulatrice, le metteur en scène perd pied dans ces faux aveux et vrais mensonges. Le didactisme un peu cynique, un peu désabusé, suffit-il à masquer la vie intime, l’âge qui menace, la jalousie qui point ?
Aucun effet de manche, nulle sensiblerie, un théâtre à nu comme ce plateau quasi désert. Une touche d’humour et d’autodérision par-ci, un soupçon de manipulation par-là, Bergman et son metteur en scène, qui en incarne aussi la figure ici, nous offrent une belle leçon de mystification sans emphase, souriante, d’autant plus attrayante que l’entrelacs entre rêves, illusions, déceptions, séduction, mainmise larvée, contribue à troubler les lignes, les protagonistes, les spectateurs. Un art subtil de la banalité tissée en broderies de contre-vérités, de sentiments contrefaits et de vraies émotions, avant la pirouette finale d’Anna qui s’escamote. Une réflexion signifiante sur le masque, l’emboîtement des réalités et la mise en scène ramenée à ses ambiguïtés. A.D. Théâtre de la Tempête-Cartoucherie de Vincennes 12e.


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