L’APPEL DES ABEILLES

Article publié exclusivement sur Internet avec la Lettre388
du 16 novembre 2015


L’APPEL DES ABEILLES de Jacques Mondolini. Mise en scène René Albold avec Georges Salmon.
Une fin de journée un peu lasse, après son service quotidien au restaurant qui l’emploie depuis des décennies. Victor rentre dans son intérieur modeste, un peu étriqué, méticuleux. Comme lui, comme son existence sans envol, où les seules lueurs sont les souvenirs rieurs qu’il ravive pour son épouse silencieuse, somnolente au creux de sa longue maladie, dans la chambre à côté. De son sac, il sort les quelques téléphones portables oubliés sur les banquettes du restaurant. Leurs sonneries vont émailler de leurs bourdonnements d’abeilles la solitude désabusée de l’époux attentif et triste, dans un crépuscule sans joie. Victor répond aux propriétaires de ces objets de l’intimité indiscrète. Pour lui, le serveur auquel nul client ne prête réelle attention, ils sont si prévisibles, épouse bafouée, mari volage, homo dragueur. Et, face à leur indifférence et leur impatience frustrée de l’objet magique égaré, il est le maître d’un jeu momentané, et donne libre cours à son exaspération et son cynisme amusé. Mais il témoigne aussi d’une sollicitude vraie et d’une empathie sincère, quand une fille en attente à Orly le renvoie à son propre miroir de père déserté. Cédera-t-il à la tentation du rendez-vous galant ?
Ah qu’il était doux le temps des jeux de piste de la séduction amoureuse, un rébus de musées jusqu’à la dernière cartouche, le premier baiser…
Dans un espace scénique en clair-obscur que seule éclaire la soie rouge du peignoir à repasser, Georges Salmon donne à voir avec une grande subtilité la pudeur de cet homme qui n’a d’autre choix, pour meubler une solitude terne et inexorable, que la fausse ubiquité d’une parole sans visage.
Et l’émotion sans larmoiement qui s’en dégage nous renvoie à l’illusoire tissu social dans lequel les sociétés contemporaines malades de communication croient guérir leurs désarrois individuels.
Une belle leçon sans emphase. A.D. Théâtre Théo-Théâtre 15e.


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