ANDROMAQUE

Article publié dans la Lettre n° 319
du 6 décembre 2010


ANDROMAQUE de Jean Racine. Mise en scène Muriel Mayette avec Cécile Brune, Éric Ruf, Céline Samie, Léonie Simaga, Clément Hervieu-Léger, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim, Aurélien Recoing, Julie-Marie Parmentier.
Quand Oreste, ambassadeur des grecs, arrive en Épire au palais de Pyrrhus, le but de sa venue est précis : il vient au nom de la Grèce exiger de Pyrrhus de lui livrer Astyanax, le fils d’Hector et d’Andromaque. Les grecs craignent en effet que ce fils, encore un enfant, veuille un jour venger sur eux la défaite de Troie et la mort de son père Hector.
Sous cette ambassade cependant, s’en cache une autre plus personnelle. Amoureux d’Hermione qui ne l’aime pas, il vient tenter de la reprendre. Mais Hermione, promise à Pyrrhus qui la dédaigne, aime ce dernier. Pyrrhus refuse d’accéder aux exigences des grecs quant à leur livrer Astyanax, car il aime Andromaque et espère que, grâce à ce refus, la veuve d’Hector cessera de se refuser à lui. Mais Andromaque demeure fidèle à son époux, mort sous les coups d’Achille, le père de Pyrrhus.
Oreste rencontre Hermione qui se dit prête à partir avec lui si Pyrrhus refuse de livrer l’enfant. Puis contre toute attente, Pyrrhus annonce qu’il va donner Astyanax et épouser Hermione mais semble toutefois prêt à changer d’avis si Andromaque accepte de l’épouser. Andromaque finit par accéder à la demande de Pyrrhus, décidée à se tuer à l’issue de la célébration de leur union. Pyrrhus, en épousant Andromaque, sera assassiné par les grecs armés par Oreste sous l’instigation d’Hermione qui, désespérée, se donnera la mort sur le corps de Pyrrhus, son suicide précipitant Oreste dans la folie. Seul Andromaque et son fils échapperont à la mort.
Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort. On aime à citer cette phrase célèbre qui résume en quelques mots toute l’intrigue de la pièce. Chacun des protagonistes est en effet gouverné par une passion qui l’aveugle et agit selon un cœur qui paralyse sa raison. Pyrrhus est imprévisible : « Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême / épouser ce qu’il hait et punir ce qu’il aime ». Hermione est versatile: «...toujours prête à partir et demeurant toujours ». Oreste est venu en ces lieux « la fléchir, l’enlever, ou mourir à ses yeux ». Leur destin est suspendu à la décision d’Andromaque qui se veut fidèle à la mémoire d’un époux tendrement chéri : « Ma flamme par Hector fut jadis allumée / avec lui dans la tombe elle s’est refermée ». Toute la tragédie repose sur son refus de s’unir à Pyrrhus pour rester fidèle à un époux qui incarnait la cause troyenne, tout en protégeant son héritier, le seul bien qui lui reste et d’Hector et de Troie.
Les alexandrins de Racine volent de bouche en bouche, magnifiques. Ils expriment avec une formidable clarté les sentiments contradictoires qui agitent ce quatuor perdu dans un amour inassouvi, conseillé par ses confidents. Très inspirée, Muriel Mayette explore le texte avec une intelligence très fine. Le dépouillement du décor s’allie à la sobriété de sa mise en scène. Les costumes épurés siéent tout à fait aux personnages et habillent à ravir la troupe du Français. La musique en sourdine et continue peut sembler superflue face à cette représentation, au travail savamment maîtrisé. Comédie Française 1er.


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