L’ANALPHABÈTE

Article publié dans la Lettre n°492 du 11 décembre 2019


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L’ANALPHABÈTE de Agota Kristof. Avec Catherine Salviat.
Comment devenir analphabète, à l’âge adulte, quand on lit presque compulsivement depuis sa plus tendre enfance ?
Étrange parcours que celui de cette enfant amoureuse des mots, de leur « fil d’argent », de l’imagination qu’ils engendrent et nourrissent sans cesse. Ce sont les mots et leur lecture infinie qui lui permettent de survivre à la séparation familiale, à l’internat austère, au contexte politique de la Hongrie du stalinisme et du Rideau de fer. Elle fait le récit, décalé et souvent amusé, de cette réalité difficile, elle écrit des poèmes, tient un journal. Jusqu’au jour de l’exil dangereux, où la fuite inévitable vers l’Occident offre à la fois la liberté et une relative aisance au quotidien, mais n’amendera jamais véritablement l’isolement d’une langue non partagée, la nostalgie de tout ce qu’on disait et vivait par le filtre de sa langue maternelle. On mange du chocolat et des oranges, mais on regrettera toujours les sensations d’un pays à jamais quitté. C’est ainsi qu’on devient un étrange analphabète, qui parle la langue d’accueil, le français, mais doit apprendre à lire et écrire ce parler étranger au corps, au cœur, aux rêves de l’enfance hongroise. Comme un définitif « entre-deux » où on n’est plus... et où on ne sera jamais vraiment…
De ce récit où l’humour sauve de la sensiblerie, Catherine Salviat compose une symphonie sans apitoiement, l’œil malicieux, le sourire en coin, en fausse naïveté et vraie lucidité. La scène totalement dépouillée lui offre, en halos diversement colorés, les moments successifs de la vie de l’auteur. Les mots et les gestes y sont dégustés, savourés en telle sobriété qu’ils occupent tout l’espace. Un régal. A.D. Artistic Théâtre 11e.


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