L’AIGLE À DEUX TÊTES

Article publié dans la Lettre n° 412
du 25 janvier 2017


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L’AIGLE À DEUX TÊTES de Jean Cocteau. Mise en scène Issame Chayle avec Delphine Depardieu, Alexis Moncorgé, François Nambot, Salomé Villiers, Julien Urrutia.
Depuis l’assassinat du roi Frédéric par un anarchiste dix ans plus tôt au soir de leurs noces, la reine déambule de château en château, le visage dissimulé sous un voile dans l’attente de la mort, suivie dans son errance par ses fidèles serviteurs le duc Félix de Willenstein et Edith de Berg. Passionnément éprise de son futur époux, sa disparition est devenue sienne. « J’allais vivre, j’allais devenir femme. Je ne le suis pas devenue. Je n’ai pas vécu. Frédéric est mort la veille de ce miracle ».
La jeune veuve a scellé son sort avec ce régicide mais le destin en décide autrement. Il prend la forme d’un jeune anarchiste, auteur d’un poème en prose publié sous le titre provocateur Fin de la Royauté que la reine, contre toute attente, a apprécié et appris par cœur. Stanislas, dit « Azraël », l’ange de la mort, s’est introduit dans le château de Krantz où la souveraine vient d‘arriver, décidé à l’assassiner pour libérer son pays d’une monarchie opprimante. Détail surprenant : le poète est le sosie du roi tant aimé. Il est blessé, elle le soigne. Cette rencontre agit sur la reine comme la foudre qu’elle aime tant. En dévoilant enfin son visage, elle se dévoile elle-même, et révèle ainsi sa vraie personnalité, face au poète au cœur loyal : « Si je n’étais pas reine, je serais anarchiste. En somme, je suis une reine anarchiste. C’est ce qui fait que la cour me dénigre et c’est ce qui fait que le peuple m’aime ».
Formidables mise en scène, scénographie et interprétation ! Le grand drame romantique règne sur scène avec une reine qui lentement revient à la vie et dont l’acrimonie s’apaise dès la première entrevue avec le jeune anarchiste assassin mais amoureux, tous deux épiés par l’entourage. Le Duc de Willenstein, secrètement amoureux de sa reine et Edith de Berg, lectrice et confidente, s’affrontent, jaloux de leurs prérogatives. Le comte de Foëhn, quant à lui, chargé de la sécurité de la reine, agit en traître.
La reine et Stanislas croyaient leur destin scellé, Edith et Félix croyaient le leur attaché à celui de la souveraine, Foëhn tentait d’infléchir le sien. Mais la voie de cette tragédie aux accents hugoliens mène irrémédiablement à la mort. Décidé à unir leur sort et dans un élan purement romantique, Stanislas soumet un pacte à la reine : « Je vous offre d’être, vous et moi, un aigle à deux têtes comme celui qui orne vos armes ». Elle le signe tout en agissant pour qu’il soit scellé dans la mort.
L’aigle à deux têtes, symbole héraldique de l’Empire austro-hongrois dont Jean Cocteau s’est inspiré pour son intrigue, est joliment repris. Il en fait l’image romantique de l’amour de deux êtres qui se fondent en un seul.
Trahisons, jeu des pouvoirs, intrigues de palais, quoi de plus actuel ? M-P P. Théâtre le Ranelagh 16e.


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