AGAMEMNON

Article publié dans la Lettre n° 328
du 13 juin 2011


AGAMEMNON de Sénèque. Traduction Florence Dupont. Mise en scène Denis Marleau avec Michel Favory, Cécile Brune, Françoise Gillard, Michel Vuillermoz, Elsa Lepoivre, Julie Sicard, Hervé Pierre.
Pâris, fils de Priam, roi de Troie, a enlevé Hélène, reine de Sparte. Pour se venger, Ménélas, son époux, organise une expédition punitive avec son frère Agamemnon. Mais avant de partir pour Troie, celui-ci sacrifie sa fille Iphigénie, s’assurant ainsi des vents favorables qui accompagneront sa traversée. Dix ans plus tard, au moment où la pièce de Sénèque commence, on annonce le retour d’Agamemnon en compagnie de Cassandre, sa maîtresse et esclave. Chaque protagoniste apparaît, expose son passé, ses malheurs et la crainte de l’avenir, interrompu par les interventions méthodiques du chœur qui commente et ponctue les événements. Le fantôme de Thyeste revient tout d’abord de chez les morts pour exhorter son fils Égisthe à tuer Agamemnon. La reine Clytemnestre apparaît ensuite en compagnie de la nourrice. Femme d’Agamemnon, mais maîtresse d’Égisthe avec qui elle partage le pouvoir, elle envisage d’assassiner cet époux qui a tué sa propre fille Iphigénie, puis Cassandre, la maîtressse honnie. Si la nourrice calme tout d’abord les ardeurs de Clytemnestre, Thyeste se charge d’attiser sa vengeance. Le crime est scellé. Mais la folie de Clytemnestre la conduit à décider de tuer Oreste, son propre fils, de crainte qu’il ne veuille un jour venger son père. Elle se dispose aussi à emprisonner sa fille Électre pour l’empêcher de protéger son frère. Mais prévenue de ce dessein, celle-ci a tout juste le temps d’organiser la fuite d’Oreste avant d’être emportée vers son cachot. Cassandre, impuissante, prédit puis relate l’assassinat d’Agamemnon. Elle que personne n’écoute, aura le dernier mot.
Sénèque ne s’attache pas ici à l’action mais à la parole. Le formidable travail de traduction de Florence Dupont permet d’en mesurer la puissance. Elle transcrit avec une belle clarté les longs et superbes monologues des différents protagonistes plongés dans les affres successives de leur destin. Attentif à la force de leurs propos et la violence des actes racontés, le public est littéralement subjugué par la mise en scène d’une folle originalité du québécois Denis Marleau. L’ingéniosité du décor, le procédé scénique d’une étonnante créativité utilisé pour le chœur, le texte enfin, exercice de diction exigeant, admirablement restitué par les comédiens, resteront longtemps dans les mémoires.
La Comédie Française clôt avec cette pièce une saison exceptionnelle. Il est jubilatoire de découvrir des mises en scène d’une telle originalité, exécutées par nos compatriotes mais aussi par des metteurs en scène venus de tous les horizons dont la liberté créative actualise et enrichit. Comédie Française 1er.


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