L’AFFRONTEMENT

Article publié dans la Lettre n° 356
du 17 juin 2013


L’AFFRONTEMENT de Bill C. Davis. Adaptation Jean Piat et Dominique Piat. Mise en scène Steve Suissa avec Francis Huster et Davy Sardou.
Quels sont les points communs entre Tim Farley, prêtre expérimenté dont la maturité a appris la prudence, la soumission à la hiérarchie, et Mark Dolson, jeune séminariste rebelle, au passé sulfureux, désireux de bousculer un peu cette église catholique dans les ordres de laquelle il s’apprête à entrer ? Rien en apparence, à part l’appartenance à un milieu social assez proche. Le regard qu’ils posent sur leur sacerdoce est à l’image de celui de l’affiche : ils ne regardent pas dans la même direction. Lorsqu’à la fin d’un sermon dominical durant lequel Tim conclut une série d’entretien sur la crise du catholicisme contemporain, Mark l’apostrophe en lui demandant ce qu’il pense du sacerdoce des femmes. Tim l’interrompt et clôt son sermon. Le ton est donné. L’évêque du diocèse, furieux de l’intervention dérangeante de Mark, décide de confier à Tim Farley le soin de le canaliser. Il envoie le jeune hâbleur « prendre des leçons de tact et de diplomatie » auprès de ce prêtre qu’il croit aguerri et dont il est l’ami. Après quarante années passées dans sa paroisse à apprivoiser ses ouailles, Tim est « un prêtre aimé et populaire ». Il s’est installé dans une routine dont il ne s’accommode que parce qu’elle satisfait sa soif d’être aimé et estimé. Les provocations continuelles de Mark l’amusent, l’agacent, le choquent, le font sortir de ses gonds et entament peu à peu ce petit confort qu’il s’était fabriqué comme une carapace. Mark n’est pas long à repérer chez son mentor cette solitude qu’il noie dans l’alcool, et dont il souffre lui-même. Aucun des deux ne sortira indemne de ce duel qui les amènera à une prise de conscience mais scellera en même temps une profonde affection.
Les questions sur le sacerdoce des femmes, le mariage des prêtres et l’homosexualité, posées par Bill C. Davis restent des sujets d’actualité. Le conflit des générations qui oppose Tim Farley et Mark Dolson est le ferment d’une profonde réflexion sur une église catholique et romaine qui peine à « se moderniser ». En plaçant la pièce au cœur des différences fondamentales entre catholicisme et protestantisme, cette réflexion dépasse largement ce cadre pour toucher celui de La Religion, donc atteindre à l’universel. La compréhension et le respect de l’autre, en un mot la tolérance, au cœur de cet affrontement, est celui qui est aussi au cœur de notre XXIe siècle.
Un texte comme celui de l’Affrontement a mille facettes que l’on peut aborder différemment. La pièce de l’irlandais Bill C. Davis avait séduit Jean Piat qui l’avait adaptée en 1996. La mise en scène de Stéphane Hillel, l’interprétation de Jean Piat et de Francis Lalanne ont durablement marqué les esprits. Steve Suissa reprend l’adaptation et choisit une mise en scène et un décor plus sobres, une interprétation et un comportement plus populaires chez les deux interprètes, un face à face drôle et émouvant, peut-être plus authentique. Francis Huster excelle dans la déclinaison des mots, des plus polis aux plus grossiers, face à Davy Sardou, excellent, très naturel en postulant rebelle et gouailleur. Leur entente est parfaite. Théâtre Rive Gauche 14e.


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