À L’ABORDAGE !

Article publié dans la Lettre n°507 du 16 septembre 2020


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À L’ABORDAGE ! Texte d’Emmanuelle Bayamack-Tam, d’après « Le Triomphe de l’amour » de Marivaux. Mise en scène Clément Poirée. Avec Bruno Blairet, Sandy Boizard, François Chary, Joseph Fourez, Louise Grinberg, Elsa Guedj, David Guez.
Un lieu hermétiquement clos au cœur d’une forêt, à l'écart de la tentation amoureuse et de la contamination par le désir. Un gourou, Kinbote, s'efforce avec succès de faire perdurer sa réputation d'homme aigri et inflexible, qui se refuse à lui-même et dénie à ses adeptes l’émotion du sentiment, déstabilisant et destructeur par essence. Sa sœur Théodora, vieille fille sans grâce et timorée, est complètement sous la coupe stérilisante de ce frère. Dimas, bègue et botaniste obsessionnel, se plie à ce servage. Arlequin, roué et extraverti, cache ses désirs coupables et rieurs. Le jeune Ayden, élevé dès l'enfance dans une atmosphère si désincarnée, ignore tout du corps et du désir. Éléments dérangeants dans cet univers confiné, deux filles délurées, Sasha et Carlie, grimées en garçons, surviennent pour y semer la pagaille amoureuse. Sasha, pour séduire Ayden, qui l'attire sincèrement, va exercer sa séduction trouble et persuasive sur chacun des personnages, promettant le mariage aux hommes comme à la femme. Kinbote, pressentant le danger, s'oppose violemment à cette intempestive intrusion, mais rend les armes, pris au piège de sa propre vanité, non sans avoir usé de tous les ressorts de l'homme odieux face à Sasha. L'intrigue oscille entre le comique gestuel et verbal et l'analyse subtile des mécanismes de la séduction, propre à Marivaux, avec les habituels chassés-croisés et faux départs. Est surtout mise en scène une perception sans concession des ravages du mensonge, dont chacun des personnages est la dupe consentante, au risque d’un dénouement tragique. Le final sera à la fois irréaliste, délirant et jubilatoire.
Circonstances pandémiques obligent, l’action se déroule sur une arène centrale et panoptique, qui autorise la déambulation externe, subreptice ou échevelée, des divers acteurs de ces jeux du mensonge et de l’aveu, du travestissement et du dénudement. Les sept comédiens, très convaincants chacun dans sa tonalité, prouvent si besoin était que, n’en déplaise à Voltaire quand il persiflait les « œufs de mouche dans une balance en toile d’araignée », on a rarement égalé la subtilité intemporelle du regard sans illusion que porte Marivaux sur les jeux pervers de la séduction et du désir. A.D. Théâtre de la Tempête - Cartoucherie de Vincennes 12e.


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