107 ANS

Article publié dans la Lettre n° 235


107 ANS de Diastème d’après 107 ans. Adaptation Diastème et Frédéric Andrau. Mise en scène Diastème avec Frédéric Andrau.
Simon aurait pu reprendre à son compte la maxime d’Esope. Pour lui c’est l’amour qui est la meilleure et la pire des choses, cet amour dévastateur qu’il ressent pour Lucie et qui va l’annihiler. Ils se sont connus sur les bancs de l’école, ils avaient douze ans. Ils ne se sont plus quittés. A seize ans, ils avaient tout exploré, goûté et senti du corps de l’autre, ils avaient voyagé jusqu’au fond de leur âme respective. Aussi lorsque Lucie lui annonça qu’elle le quittait, Simon n’a pas supporté. Ni la désertion de l’objet de sa passion, ni sa trahison, encore moins son absence, synonyme d’enfer. Ne plus pouvoir regarder, sentir, toucher, goûter ce corps qui était à lui, ni converser, ni rire des heures avec cet esprit si pareil au sien. Et puis surtout, l’imaginer dans les bras d’un autre alors qu’elle devait être à lui pour toujours. Aujourd’hui, à vingt-cinq ans, on le dit guéri, il sourit. Doucement, comme détaché du monde, il raconte son histoire avec ses mots à lui, une vision des choses qui lui est propre mais qui n’est pas celle des autres. Il raconte la lente descente aux enfers, la subtile dégradation d’un être qui a aimé et aime pour toujours sans espoir.
La Nuit du thermomètre (Lettre 210), nominée aux Molière 2003 dès cette première pièce, avait propulsé Diastème sur le devant de la scène. Il reprend pour 107 ans le personnage de Simon et de Lucie, sans pour autant écrire une suite, ainsi que son comédien Frédéric Andrau. Ensemble ils adaptent le roman pour la scène. Frédéric Andrau connaît la moindre virgule de l’histoire de Simon. Durant près de deux heures, il s’approprie ce texte dur, effroyable, magnifique et émouvant, incarnant l’amoureux éconduit et éperdu. Grâce à une parfaite connaissance de chaque mot, de chaque respiration du texte, grâce à une diction exceptionnelle, il parvient dès les premières minutes à tenir son public sous le charme. Suspendu à ses lèvres, celui-ci est séduit par l’originalité du propos, la force du récit, l’émouvante pertinence des anecdotes et la justesse du ton, la complexité du personnage, habité d’un infini désespoir. Séduit aussi par la simplicité de la mise en scène, seulement rehaussée par le savant balayage des jeux de lumières créés par Stéphane Baquet. Séduit enfin et par-dessus tout par la formidable présence de ce comédien de trente ans si tôt rendu au sommet de son art. Théâtre Pépinière Opéra 2e (01.42.61.44.16).


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