ROUKIATA OUEDRAOGO
JE DEMANDE LA ROUTE

Article publié dans la Lettre n° 469
du 26 décembre 2018


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ROUKIATA OUEDRAOGO. JE DEMANDE LA ROUTE. Texte et mise en scène Stéphane Eliard et Roukiata Ouedraogo. Collaboration artistique Ali Bougheraba avec Roukiata Ouedraogo.
Ce n’est pas une valise en carton que Roukiata aurait pu emporter lorsqu’elle quitta son Burkina Faso natal mais une paire de godillots ! Le froid, c’est ce que craignait le plus la jeune bachelière. Avant son départ, elle rendit visite à son oncle pour lui en parler mais aussi pour lui « demander la route » selon la tradition. En dépit de ses protestations, le tonton lui confia, comme un trésor, les brodequins qui permirent à l’artilleur qu’il fut de supporter les intempéries « durant les deux guerres mondiales et celle d’Indochine », assure-t-il, engagé au service de la France avant d’en être expulsé !
Elle, au moins, prenait l’avion, elle ne partait pas, dit-elle, « à la nage ». Cette clairvoyance teintée d’humour sur sa propre chance accompagna ses pas sur une voie qu’elle emprunta sans hésitation, à la découverte d’un pays dont tous rêvaient à Ouagadougou, la France, même si elle, aurait préféré entreprendre des études de styliste aux États-Unis.
Roukiata Ouedraogo possède le phrasé inimitable des conteuses africaines. On écouterait des heures durant le récit exemplaire d’une enfance où les enfants étaient éduqués par tout le village, où les journées d’écolière se déroulaient en silence dans des classes surchargées, où les soirées se passaient en famille devant une télévision vendeuse de rêve. « Ton premier mari c’est ton travail… Ne nous déçois pas Rouki », lui répétait sa mère. Alors elle décida que ce rêve deviendrait réalité. Elle choisit le froid, les rues parisiennes dépourvues des cris d’enfants et suivit sans se plaindre un parcours du combattant pour trouver un logis, gagner un salaire destiné, en partie, à « l’humanitaire familial » et s’asseoir enfin sur les bancs du cours Florent avant d’affronter des castings pour le moins farfelus, celui de l’imitation du tire-bouchon, inénarrable, n’étant pas des moindres !
Style fleuri, langue chantante, les anecdotes se parent de mille couleurs émaillées de réflexions pragmatiques sur la vie et le choc des cultures, un récit qui révèle une formidable foi dans une existence que Roukiata Ouedraogo a décidé de vivre pleinement car elle possède la meilleure qualité qui soit, le courage.
Exquise dans sa robe légère, sa noire crinière encadrant un visage au sourire lumineux, elle ensorcelle son auditoire littéralement pris sous le charme. M-P.P. Lucernaire 6e.


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