L'HÔTEL DES ROCHES NOIRES

Article publié exclusivement sur Internet dans la Lettre n° 336
du 6 février 2012


L'HÔTEL DES ROCHES NOIRES. Spectacle musical de Françoise Cadol et Stefan Corbin. Mise en scène Christophe Luthringer avec Olivier Breitman, Françoise Cadol, Stefan Corbin, Arnaud Denissel, Christian Erickson, Gaëlle Pinheiro, Ariane Pirie.
Une histoire de cœur entre deux battements. Jules, promoteur immobilier sans respect ni même regard sur l'objet d'une destruction programmée, s'apprête à transformer un vieil hôtel délabré en centre commercial sans âme. C'est compter sans celles qui hantent le lieu de leurs suicides, un 3 juillet à des époques diverses. Un tel sacrilège lui vaudra l'accident presque fatal, cet entre-deux de toutes les révélations.
Dans le sillage de Jules, l'obsédant amour de sa vie par-delà la mort, Louise la trapéziste qui a manqué son envol, Louise qui rêve de s'arracher aux rêts du souvenir qui l'enserrent, pour enfin voleter de concert avec les fantômes. Car ils vivent joyeusement leur vie de fantômes, ce Lord Hopking incurablement anglais, obsédé de bibliothèque, ou encore Willy et son rêve de résurrection hôtelière, et cette si charmante sans nom, la fofolle qui joue à cache-cache dans les recoins d'une mémoire perdue. La panoplie est complète quand survient la Grande Lala qu'une électrocution vient d'arracher au concert de ses fans miteux. Lala sans sa Chaussette canine, Lala-Gloria qui se voudrait la Marylin d'amours célèbres, qui ne peut croire à sa définitive traversée des apparences. Sa truculence trouve place sans peine dans le chœur des âmes pas si mortes que cela, penchées sur le corps palpitant de Jules, qu'il ne faut surtout pas laisser dériver vers la mortelle tentation des retrouvailles avec la bien-aimée. Entre les battements de son cœur se tiennent le futur souriant de cet hôtel, les identités recouvrées, la délivrance des obsessions. La vie, en somme.
Et le cœur se remettra à battre… pour écrire encore et toujours le livre de mémoire.
Comme un bateau en dérive dans les voiles mouvantes et les lustres chahutés, dans la grâce des corps et leur tournoiement, nous voguons au gré du souffle des mots, délicieusement emportés dans leur vague poétique, tendre et pleine d'humour. Ah que les âmes sont séduisantes, lorsqu'elles dansent et chantent avec tant d'à-propos, portées par la fièvre du piano dans ce bal fantôme où même les pierres ont chanté. Ne résistons surtout pas à cette mise en scène fluide, à l'entrain des comédiens portés par le souffle polyphonique de leur joie d'être avec nous, si vivants. Quand l'ennui des âmes errantes suscite une formidable envie de sourire et de vivre, le rêve et la grâce d'exister sont un inestimable cadeau. Vingtième Théâtre 20e. A.D.


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