VAN GOGH / ARTAUD.
LE SUICIDÉ DE LA SOCIÉTÉ

Article publié dans la Lettre n° 367
du 14 avril 2014


VAN GOGH / ARTAUD. LE SUICIDÉ DE LA SOCIÉTÉ. Quelques jours avant la rétrospective Vincent Van Gogh organisée au musée de l’Orangerie à Paris de janvier à mars 1947, le galeriste Pierre Loeb suggère à Artaud d’écrire un texte sur le peintre. Ce faisant, il pensait qu’un écrivain, également dessinateur, qui avait été interné pendant neuf ans dans des asiles psychiatriques, où il avait subi des électrochocs traumatisants, était le mieux placé pour comprendre l’œuvre d’un peintre considéré comme fou. Artaud ne fait que deux brèves visites, mais avec le catalogue, deux livres avec des reproductions et les lettres du peintre à son frère Théo, il rédige un violent pamphlet contre les contemporains de Van Gogh, publié fin 1947 sous le titre Van Gogh, le suicidé de la société.
Dans cet essai, écrit sous l’emprise de la colère, il s’en prend donc violemment aux contemporains de Van Gogh, en particulier aux psychiatres, parmi lesquels se trouve le docteur Gachet, qui a accepté d’être son référent, par l’entremise de Théo, durant son séjour à Auvers-sur-Oise. Van Gogh a cependant de la sympathie pour ce médecin, ami des arts, dont il fait deux portraits et qui lui semble être « attaqué aussi gravement » que lui. Néanmoins, Artaud écrit : « Je pense pourtant plus que jamais que c’est au docteur Gachet, d’Auvers-sur-Oise, que Van Gogh a dû, ce jour-là, le jour où il s’est suicidé à Auvers-sur-Oise, a dû, dis-je, de quitter la vie ». Ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.
L’exposition présente donc les tableaux auxquels Artaud fait référence dans son livre. Il y en a ainsi quarante-six, vus à travers le regard de l’écrivain. La scénographie crée un parcours commençant par des projections de mots sur les six faces de la première salle, pour nous mettre en condition. Puis elle nous montre quelques ouvrages de référence, comme le catalogue de l’exposition de 1947 annoté par Artaud, et présente, thème par thème, selon les désignations du poète, les tableaux de Van Gogh. On a ainsi : « Une terrible sensibilité » avec des autoportraits ; « Le drame éclairé » avec Le Fauteuil de Gauguin ; « L’envouteur » avec le Portrait du docteur Gachet , et ainsi de suite. Ce rapprochement est tout à fait intéressant même s’il est évident que l’on vient d’abord pour voir ou revoir ces toiles qui nous enchantent toujours autant.
Cela étant, on s’intéresse aussi à Artaud (1896-1948) dont on voit, au centre de l’exposition, la biographie à côté de celle de Van Gogh (1853-1890), ainsi que des photographies, en particulier celles de l’année 1947, des extraits de vingt films dans lesquels il a joué et plusieurs dessins tout aussi tourmentés que ceux de son sujet. C’est aussi dans cette section qu’est projeté l’extrait d’un film avec la voix d’Alain Cuny, sur ce qu’Artaud pensait être le dernier tableau peint par Van Gogh, Le Champ de blé aux corbeaux (1890). Il y voyait « les indices d’un drame annoncé par les blés convulsés et le vol funeste des oiseaux ». Une exposition aussi originale que remarquable. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 6 juillet 2014.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-orsay.fr.


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