SONIA DELAUNAY
Les couleurs de l'abstraction

Article publié dans la Lettre n° 377
le 19 janvier 2015


 


SONIA DELAUNAY. Les couleurs de l’abstraction. Née à Odessa, en Ukraine, en 1885, Sara Elievna Stern est confiée par ses parents à son oncle maternel, Henri Terk, membre de la bourgeoisie aisée de Saint-Pétersbourg, dont elle gardera le nom. En 1904 elle part pour l’Allemagne étudier la peinture à Karlsruhe, puis s’installe à Paris en 1906. Elle découvre les Fauves puis l’œuvre de Gauguin et s’en inspire en peignant des portraits très ressemblants avec des aplats de tons purs. Après un mariage blanc avec le galeriste Wilhelm Udhe, qui organise sa première exposition personnelle, elle épouse Robert Delaunay en 1910. L’importance considérable de celui-ci dans l’art moderne a longtemps masqué l’originalité de Sonia et son apport personnel. Il a fallu attendre la grande rétrospective parisienne de 1967 pour lui rendre la place qu’elle mérite. La présente rétrospective, la première à Paris depuis celle de 1967, dévoile les multiples facettes de cette artiste, grâce à un parcours chronologique, une documentation remarquable et lisible, une scénographie soignée et plus de 400 œuvres de toutes sortes : peintures, décorations murales, gouaches, estampes, mode et textiles.
Si le début de la carrière de Sonia Delaunay est tout à fait classique, avec des portraits peints, très vite elle se singularise en s’intéressant à d’autres supports et techniques, à la poésie, à la mode et à la publicité. Elle conçoit ainsi des affiches et des vêtements. Avec Blaise Cendrars elle réalise La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France (1913), dépliant de deux mètres de long qui se lit autant qu’il se regarde, où s’opère pour la première fois la fusion de la poésie et de la peinture.
L’exposition montre l’importance que Sonia Delaunay donna aux arts décoratifs. Ainsi, à leur retour d’Espagne, où ils avaient été surpris par la guerre, les Delaunay ouvrent un commerce de mode à Paris en 1921. Leur appartement sert d’habitation, d’atelier de couture, où travaillent des ouvrières russes, et de salon d’essayage. Nous pouvons voir un grand nombre d’échantillons de tissus aux motifs créés par Sonia ainsi que quelques vêtements et des films d’époque. Les commissaires ont recréé l’ambiance du salon des Delaunay, dont le mobilier et la décoration ont été conçus par Sonia, ainsi que le Stand Simultané, qui permettait, grâce à un dispositif breveté conçu par Robert, une « présentation cinématique simultanée » des tissus simultanés aux motifs dessinés par Sonia au Salon d’automne de 1924.
Cet adjectif, simultané, est la marque de fabrique des Delaunay. En effet, dès 1912, le couple proclame la naissance d’un nouvel art qui repose sur le pouvoir constructif et dynamique de la couleur, le simultanisme. Sonia appliquera ainsi ce concept à toutes ses créations textiles.
En 1937 l’artiste se voit confier la réalisation de trois grandes toiles, Tableau de bord, Hélice, Moteur d’avion, illustrant l’aviation pour le Palais de l’Air au sein de l’Exposition internationale de Paris. Toutes les trois sont présentes ici.
Robert Delaunay meurt en 1941 à Montpellier. Après la guerre, Sonia reprend la peinture et contribue à la reconnaissance de l’œuvre de son mari. Le répertoire de ses formes géométriques s’enrichit tandis que sa palette se simplifie au profit de couleurs vives fortement contrastées. Trop souvent associée à son mari, elle obtient enfin ses premiers succès personnels. La dernière partie de l’exposition nous montre un grand nombre de ses toiles et ses gouaches de grandes dimensions, aussi abouties que ses peintures. Elle meurt en 1977 à l’âge de quatre-vingt-douze ans, sans avoir cessé de vouloir faire entrer l’art dans la vie, en collaborant notamment avec Artcurial à la création d’objets du quotidien en édition limitée.
Sonia Delaunay et son fils Charles furent d’une très grande générosité envers de nombreux musées et en particulier l’actuel Centre Pompidou et la Bibliothèque nationale de France d’où proviennent une grande partie des œuvres présentées. Une exposition exceptionnelle, colorée et chatoyante, « à voir absolument ». Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 22 février 2015. Lien : www.mam.paris.fr.


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