Parcours en images de l'exposition

SOLEILS NOIRS

avec des visuels mis à la disposition de la presse,
d'autres glanés sur le Web

et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°514 du 23 décembre 2020




Hall du musée. Stéphane Thidet. Le Terril, 2008. Confettis de papier (2 tonnes). Paris, Collection Antoine de Galbert.
Plan de l'exposition. Nous avons repris les numéros et les titres de ce plan dans le parcours suivant.


L'EXPÉRIENCE DU NOIR

1 - Dans le noir

Soleils noirs

Couleur des rêves comme des peurs, du visible comme de l'invisible, de la lumière et de son absence, le noir est voué à l'art comme aux paradoxes. Si pour le physicien, la couleur noire n'en est pas une, pour l'artiste, le noir est bien concrètement un coloris invariable de sa palette, une matière opaque ou lumineuse aux significations puissantes. Lieu de la virtuosité et du plaisir du peintre, la couleur noire questionne parfois jusqu'à la peinture elle-même.
L'exposition plonge d'abord dans l'expérience universelle du noir qui inspire tant les hommes et les artistes : l'obscurité de la nuit, l'ombre, les contre-jours, tous des phénomènes qui mettent l'art au défi de les représenter. Le noir suscite la crainte et la fascination entremêlées, tant et si bien qu'il est attaché à la représentation du sacré, de la mort ou de l'infini. Son usage social, lorsqu'il teinte les habits, est soumis à un code moral : il se fait austère mais luxueux, marque d'élégance ou d'appartenance.  Et lorsque le noir des fumées d'usine et du charbon apparaît dans le paysage et dans la vie, il devient emblématique des modernités industrielle et esthétique et s'affranchit au point de devenir un sujet en soi.
Derrière ce récit se joue une autre histoire, tout aussi sensible, celle commençant avec ce fossile vieux de 300 millions d'années qui provient des veines de charbon qui courent exactement en-dessous de nos pieds, à plusieurs centaines de mètres de profondeur. L'exploitation minière a façonné ici la société et les paysages ainsi que tout un imaginaire, auquel l'exposition rend hommage, intimement marqué par la couleur noire.

 

 
Fossile provenant d'une mine de charbon

Texte du panneau didactique.
 
Laurent Grasso (né en 1972). Panoptes, 2019-2020. Marbre. Paris. Studio Laurent Grasso.
Dorothy Napangardi (1956-2013). Salt on Mina Mina, 2007. Huile sur toile, H. 168 ; L. 244.
Musée des Confluences – Lyon. © musée des Confluences / Pierre-Olivier Deschamps - Agence VU’. © ADAGP.


2 - La nature noire

Scénographie
Nocturnes

La nuit est l'un des phénomènes naturels ayant le plus largement retenu l’attention des artistes. Tantôt animée par les lumières de la ville, tantôt plongée dans le froid silencieux de la campagne (Chetmonski), la nuit est un sujet de peinture paradoxal car elle ne permet ni de distinguer les détails d'un motif, ni de connaître la profondeur d'un espace. « La nuit, écrivait Paul Éluard, est à une dimension ».
Pourtant, si la figuration de scènes de nuit est fréquente dès le Moyen Âge, les artistes entreprennent de peindre la nuit avec vraisemblance à partir du 15°siècle par de forts contrastes d'ombre et de lumière et par un noircissement général des tons. Au 19e siècle, sous l'influence du romantisme, le « nocturne » devient un sujet en tant que tel et désigne des paysages de nuit et des scènes d'intérieur faiblement éclairées. Cette nuit romantique et mélodique est un phénomène sensoriel et introspectif (Benjamin-Constant) tant elle appelle l'expression des sentiments (Podkowinski), tant elle suscite l'évasion.
Quand la nuit tombe, sublime, se lève une terrible beauté (Vernet, Deperthes), un monde sans limite paraît (Fontana).

 
Texte du panneau didactique.
 
Léon Alègre (1813-1884). Pleine lune, 2e moitié du 19e siècle. Huile sur toile. Bagnols-sur-Cèze. Musée Léon Alègre.
 
Jean-Baptiste Deperthes (1761-1833). Le tombeau de Werther, effet de nuit, première moitié du 19e siècle. Huile sur toile, 54,1 x 65 cm. Reims. Musée des Beaux-Arts.
 
Joseph Vernet (1714-1789). Paysage, effet de clair de lune, 1759. Huile sur toile, 44 x 61 cm. Paris. Musée du Louvre, département des Peintures.
Scénographie
Eaux noires

Fluide et transparente, l'eau est l'élément qui symbolise de manière quasi universelle la vie qui s’écoule. Mais, lorsque l’eau, stagnante, devient noire, sa portée symbolique et artistique se retourne : morbide, l'eau noire présage de l'inévitable tragédie amoureuse chez Louis Baader ; glauque, elle compose un écran opaque introspectif dans la peinture de nuit d'Alexander Harrison ; visqueuse et angoissante, elle semble envahir tout le paysage irréel de l'Île que Françoise Pétrovitch emprunte à Arnold Böcklin. C'est la puissance évocatrice, sensorielle et narrative de l'eau noire que les artistes révèlent quand ils décident de représenter cet étrange motif.
L'eau noire constitue également un sujet paradoxal pour les artistes : le liquide en principe incolore devient noir. Cette eau translucide se refuse alors à la perception immédiate. Dans un prodigieux paysage réaliste et intime, Gustave Courbet en fait un élément solide et opaque.

Texte du panneau didactique.

 
Gustave Courbet (1819-1877). Le ruisseau du puits noir, vers 1865. Huile sur toile, H. 80 cm ; L. 100 cm. Musée des Augustins – Toulouse.
 
Françoise Pétrovitch (née en 1964). Île, 2019. Encre sur papier. Paris. Avec l’aimable autorisation de Semiase.
Alexander Harrison (1853-1930). La solitude, vers 1893. Huile sur toile, H. 105 ; L. 171,2 cm. Musée d'Orsay - Paris.
Scénographie
Noirs éléments

Les orages, les tempêtes ou encore les ouragans nous plongent dans la violence d'une obscurité soudaine et menaçante. Ce spectacle des déchaînements de la nature fonde un sujet artistique et poétique : à partir du 17° siècle, les peintres commencent à s'approprier comme sujet de peinture ces événements aussi inquiétants qu'éphémères. Dès la fin du
18e siècle, les romantiques y voient l'œuvre magistrale d'une nature supérieure à l'homme.
Dans Ciel d'orage, Diaz de la Peña peint la fugacité d'un rayon de soleil qui perce le ciel noir orageux. Davantage mélancolique, le noir semble mettre sa menace à exécution lorsqu'il s'abat sur le paysage violenté par l'Ouragan d’Émile Breton.
Ces perturbations atmosphériques constituent une source d'inspiration pour les artistes qui inventent de nouveaux modes de représentations et interrogent les techniques pour mieux les représenter. Ainsi, la richesse des sensations de ce noir tempétueux trouve de nouvelles formes de sublimation avec les artistes contemporains s'inspirant du cinéma (Renie Spoelstra) ou travaillant les nouveaux médias (Ange Leccia).

 
Texte du panneau didactique.
 
Émile Breton (1831-1902). L’Ouragan, 1863. Huile sur toile. Arras. Musée des beaux-Arts.
 
Narcisse DÍaz de la Peña (1807-1876). Ciel d’orage, 1867. Huile sur toile, 46,6 x 65,8 cm. Reims. Musée des Beaux-Arts.
 
Renie Spoelstra (née en 1974). Misty Road, 2014. Fusain sur papier, 124,4 x 169,9 cm. Des mondes dessinés / Frac Picardie Hauts-de-France.


Espace de médiation « La fabrique du noir »

Scénographie
 
Vitrine avec argile crue et tesson de bucchero. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
 
Vitrine avec os et pigment noir d'ivoire.


3 - Visions du noir : ombres et lumière

Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.

Ombres

Pline l'Ancien rapporte dans son Histoire Naturelle au 1er siècle après J.-C. que pour les Grecs, l'invention du dessin serait issue de l'ombre d'un homme délimitée par un trait. Dès lors, ce récit originel, largement diffusé, adapté et transposé, atteste de l'importance de l'ombre pour les artistes qui se plaisent à créer des variations sur le thème, comme ici Émile Friant, de manière très réaliste.
Révélatrice autant qu'elle soustrait à la vue, l'ombre a été investie, selon les époques, d'une forte dimension spirituelle, poétique ou mystérieuse, accentuant le potentiel expressif des compositions.

 
Texte du panneau didactique.
 
Théodule Ribot (1823-1891). Le bon Samaritain, vers 1870. Huile sur toile. Paris. Musée d’Orsay, acquis en 1871.
 
Emile Friant (1863-1932). Ombres portées, 1891. Huile sur toile, H. 117 cm ; L. 67 cm. Musée d'Orsay – Paris. © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski.
 
Odilon Redon (1840-1907). Portrait de l’artiste, vers 1880. Huile sur toile. Paris. Musée d’Orsay, en dépôt au Palais des Beaux-Arts de Lille.

Contre-jour

Le contre-jour, plastiquement à l'inverse de l'ombre, permet aux peintres de questionner la perception du monde au travers de créations jouant du dialogue entre noir et lumière.
Cet effet de lumière consiste à éclairer un objet ou une scène par l'arrière, du côté opposé à l'observateur, créant ainsi des compositions assombries et moins lisibles, accentuant les effets de dramatisation et de mystère.
Cette mise à distance de la lumière permet de créer un espace plus délimité pour la scène représentée dans la Vue d'une cascade à travers les rochers de Joseph Vernet. Le  contre-jour peut également évoquer le caractère fugace de l'instant représenté par le peintre, comme ici Antoine Chintreuil, dotant sa composition d'une grande poésie.

 
Texte du panneau didactique.
 
Auguste Rodin (1840-1917). Grande Ombre, 1898. Œuvre récupérée après la Seconde Guerre mondiale et confiée à la garde des musées nationaux. Bronze. Paris. Musée d’Orsay, en dépôt au Palais des Beaux-Arts de Lille.
 
Antoine Chintreuil (1814-1873). Une Mare : effet du soir après l’orage, Salon de 1850. Huile sur toile. Montpellier Méditerranée Métropole. Musée Fabre.
 
Joseph Vernet (1714-1789). Vue d’une cascade à travers des rochers, vers 1735-1740. Huile sur toile. Paris. Musée du Louvre, département des peintures.


LE NOIR ET LE SACRÉ

4 - Le mal noir

Scénographie
Peurs du noir

Ce que l'obscurité empêche de voir a amené à associer à la couleur noire ce qui inquiète et fait peur. Le monde animal a particulièrement inspiré cette peur qui a pu fasciner des artistes comme le symboliste Odilon Redon.
Ce rapport à la peur a conduit de nombreuses civilisations à associer le noir aux enfers, régions souterraines où il règne. L'Occident a fait de ces univers infernaux le lieu où s'épanouissent monstres et créatures diaboliques, le Christianisme liant dès le Moyen-Âge la couleur noire à l'occulte et aux superstitions. Alors que Dieu est pensé comme la lumière et règne dans les cieux, son opposé, le diable, incarne l'anti-lumière au fond de l'enfer. Cette lutte entre bien et mal se manifeste dans l'image de la chute des anges rebelles (Maître des anges rebelles, Nattier). Alors qu'au l9e siècle, l'artiste romantique se reconnaît dans la figure du maudit, Satan (Feuchère).
La fin du 19e siècle voit le développement d'un imaginaire décadent qui associe satanisme, sensualité, péché et mort comme on le voit dans le travail de Félicien Rops et ses visions morbides.
 
Texte du panneau didactique.
 
Damien Hirst (né en 1968). Who’s Afraid of the Dark ? Qui a peur du noir ?, 2002. Résine et mouches sur toile. Londres. Tate.
 
Odilon Redon (1840-1916).  Araignée, 1887. Lithographie, H. 26 cm ; L. 21,5 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et Photographies. © BnF.
 
Jean-Marc Nattier (1685-1766). La Chute des anges rebelles, 1751. Pierre noire, sanguine, rehauts de blanc sur papier brun marouflé sur toile.
 
Félicien Rops (1833-1898). L’Idole, 1882. Héliogravure. Province de Namur. Musée Félicien Rops.
 
Odilon Redon (1840-1916).  Le corbeau, 1882. Fusain, craie noire et craie blanche sur papier chamois, H. 51 cm ; L. 36 cm. Musée des Beaux-arts – Bordeaux, dépôt du musée d’Orsay. © Mairie de Bordeaux, musée de Bordeaux / photo Frédéric Deval.
Aux sources du romantisme noir

Le romantisme est un mouvement culturel européen qui dès la fin du 18° siècle renouvelle en profondeur tous les arts en prônant le sublime et les sentiments exacerbés de l'artiste contre la Raison chère au siècle des Lumières. Dans son aspect le plus sombre, le romantisme noir réhabilite et chante la beauté de l'étrange, de la magie et du cauchemar.
Ce goût se nourrit de sources littéraires qui deviennent de véritables références pour les artistes. La description des enfers dans la Divine Comédie (1303-1321) de Dante inspire notamment Doré. Le théâtre de Shakespeare (1564-1616) renaît avec la génération romantique. Le jeune Delacroix est également très sensible à la figure de Faust remise au goût du jour par Goethe en 1808.
Les âmes tourmentées des artistes romantiques sont fascinées par les sorcières et leur magie noire (Füssli). Leurs rassemblements nocturnes, le sabbat, où elles s'adonnent,
pense-t-on, à des rituels obscurs et païens, voire à des orgies, ne manquent pas d'impressionner les peintres (Boulanger).
 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Ronde du Sabbat, 1832. Lithographie sur papier de Chine. Reims. Musée des Beaux-Arts.
 
Gustave Doré (1882-1883). L’Enfer de Dante, 1861. Estampe. Illustration du chant V (« Amour vous a conduit à la même mort | Le Cercle de Caïn attend celui qui vous tua là-haut | »). Paris. Bibliothèque nationale de France.
 
Johann Heinrich Füssli (1741-1825). Les Trois Sorcières, 1783. Huile sur toile, H. 79 cm ; L. 106.5 cm. Kunsthaus – Zürich. © Kunsthaus Zürich.
 
Eugène Delacroix. Macbeth consultant les sorcières, 1825. Lithographie, H. 47,2 cm ; L. 30,8 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et Photographies. © BnF.
 
Eugène Delacroix (1798-1863). Autoportrait, dit Autoportrait en Hamlet, vers 1820. Huile sur toile. Paris. Musée national Eugène Delacroix.


5 - Croire au noir

Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
Croire au noir

Si le noir revêt dès l'Antiquité le royaume des ténèbres, peuplé de créatures infernales, les religions en ont également fait la couleur de tous les commencements, lui accordant une valeur symbolique positive. En Égypte, dont le nom antique « Kemet » signifie « la terre noire », la couleur noire symbolise la régénération car elle est associée à la terre fertile de la vallée du Nil. Ainsi, le dieu de la mort Osiris est sculpté dans un bloc noir de diorite, roche volcanique couleur de promesse de vie nouvelle. Stèles magiques, bassins rituels ou encore amulettes témoignent de la portée protectrice et guérisseuse de la couleur noire. La dualité de cette couleur apparaît comme une manière de conjurer le noir par le noir. La Vierge noire de Boulogne-sur-Mer qui a pour fonction de protéger les pêcheurs souligne l'héritage païen du culte marial. Portée par une barque, elle trouve ici un écho dans la sculpture contemporaine de David Nash en bois brûlé, comme purifié par le feu.

 
Texte du panneau didactique.
 
Stèle d’Horus aux crocodiles. Égypte, vers 332-30 avant J.-C. Paris. Musée du Louvre. Département des Antiquités égyptiennes.
 
La déesse Isis. Rome, vers 100-200. Marbre. Établissement public du château, du Musée et du domaine national de Versailles. Dépôt du Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines.
 
Le dieu Osiris. Égypte, vers 664-332 avant J.-C. Granodiorite. Paris. Musée du Louvre. Département des Antiquités égyptiennes.
 
La Vierge à l’Enfant, dite Vierge nautonière. Artiste audomarois, 1803. Bois. Boulogne-sur-Mer. Basilique Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception.
 
David Nash (né en 1945). Vaisseau et son contenu, 1988. Bois. Calais. Musée des Beaux-Arts.


6 - Le noir rédempteur

Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
Le noir rédempteur

Couleur de tous les possibles mais aussi de la mort et de l'ignorance, le noir constitue un élément ambigu de la représentation du sacré. Dans les Évangiles selon saint Matthieu et selon saint Marc, le jour s'obscurcit brutalement au moment exact de la mort du Christ sur la croix (Teniers le Vieux] : dans l'Évangile selon saint Luc, il s'agit même d'une éclipse totale de soleil qui plonge dans le noir l'épilogue de la Passion (Von Stuck). Cette obscurité miraculeuse est ainsi associée au sacrifice comme à la rédemption. Par extension, elle accompagne la représentation de l'ensemble des souffrances endurées par le Christ (Murillo, Seghers) et les supplices des martyrs (Ribot).
La puissance dramatique du noir permet également de comprendre pourquoi, à partir du 17e siècle, les artistes choisissent de l'utiliser pour peindre les épisodes de la Passion du Christ. Le recours au clair-obscur permet de faire émerger les corps souffrants des ténèbres grâce au travail particulier de la lumière qui vient révéler de manière brutale les éléments primordiaux de la composition.

 
Texte du panneau didactique.
 
Gérard Seghers (1591-1651). Le Christ après la flagellation, vers 1620-1625. Huile sur toile, 90 x 150,5 cm. Reims. Musée des Beaux-Arts.
 
David Teniers, dit Le Vieux (1582-1649). Le Calvaire, vers 1630-1640. Huile sur cuivre, 86 x 69 cm. Paris. Musée du Louvre, département des peintures.
 
Ernest Hébert, d’après José de Ribera (1817-1908). La Descente de Croix, vers 1840. Huile sur toile. Paris. Musée Hébert.
Hyppolyte Flandrin.  Pietà, 1842. Huile sur toile, H. 172 cm ; L. 258 cm.
Musée des Beaux-arts – Lyon.
Souviens-toi que tu vas mourir


La fin du Moyen Âge marquée par la peste et les famines qu’engendre la guerre de Cent ans, connaît un bouleversement dans l'art funéraire avec l'apparition du transi. Contrairement au gisant, il ne représente plus le défunt comme un vivant qui dort mais bien comme un cadavre nu et putréfié, dont la chair est mangée par les vers. Celui de Guillaume Lefranchois (1446) constitue ainsi un appel à l'humilité et à la conversion face à la mort qui attend les vivants. Cet idéal de dépouillement et de retour sur soi par la prière est de nouveau mis en avant par l'Église catholique à partir du 16e siècle pour contrer la Réforme protestante. Figure par excellence de dévotion et de renoncement au monde, Marie-Madeleine recluse dans sa grotte devient alors un sujet en vogue dans la peinture. Se développent également les peintures de « vanités » qui insistent sur le caractère vain des plaisirs et des biens terrestres. La crudité du fond noir peut amplifier la leçon comme l'illustre ici magnifiquement Philippe de Champaigne, et plus inconsciemment Théodule Ribot.

 
Texte du panneau didactique.
 
Anonyme italien. Marie-Madeleine, 18e siècle. Huile sur toile, 76,5 x 93,1 cm. Reims. Musée des Beaux-Arts.
 
Théodule Ribot (1823-1891). Saint Vincent, vers 1860. Huile sur toile, H. 98 cm ; L. 130 cm. Palais des Beaux-Arts – Lille. © RMN-Grand Palais - Philippe Bernard.
 
Philippe de Champaigne (1602-1674). Vanité, ou Allégorie de la vie humaine, vers 1645. Achat en 1888. Huile sur bois, H. 28 cm ; L. 37 cm. Musée de Tessé - Le Mans. © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz.
Transi de Guillaume Lefranchois, médecin et chanoine, provenant de l’église Saint-Barthélemy de Béthune, 1446. Pierre de Tournai.
Arras. Musée des Beaux-Arts.


LA DIMENSION SOCIALE DU NOIR

7 - Les codes du noir

Scénographie
Luxes austères

Considéré comme couleur de la salissure et du péché en Occident, le noir est associé à l'idée de pénitence et d'humilité. Pourtant, en teinturerie, obtenir de beaux noirs est complexe et donc cher, ce qui réserve cette couleur à l'aristocratie.
Au 16e siècle, ce goût du noir se répand dans toute l'Europe, comme on le voit dans le Portrait du duc de Guise par François Clouet ou la peinture de Véronèse.
Le 17e siècle en voit le triomphe, aussi bien dans les Pays-Bas protestants que dans la très catholique Espagne. La mode qui s'impose à la Cour des Habsbourg d'Espagne provient de celle des grands ducs de Bourgogne du début du 15° siècle, mais aussi de la sobriété du grand empereur Charles Quint au siècle suivant. Les artistes prennent plaisir à représenter le luxe que le noir véhicule, comme dans le portrait collectif de Pickenoy ou dans ceux de deux époux par Thomas de Keyser.
 
Texte du panneau didactique.
 
Pietro Neri, d’après Sofonisba Anguissola (1591-1661). Maximilien Stampa, troisième marquis de Sancino, à l’âge de neuf ans, vers 1630-1640. Huile sur toile. Reims. Musée des Beaux-Arts.
 
Paolo Caliari dit Véronèse (1528-1588). Portrait de femme avec un enfant et un chien, vers 1546-1548. Huile sur toile, H. 115 cm ; L. 95 cm. Musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux.
 
François Clouet (et atelier) (vers 1520 – vers 1572). François de Lorraine (1519-1563), duc de Guise, Pair du Royaume et grand chambellan, vers 1550-1560. Huile sur bois, 31 x 23 cm. Paris. Musée du Louvre, département des Peintures.
Nicolaes Eliasz Pickenoy (1588-1656).  De regenten van het Spinhuis, 1628. Huile sur toile, H. 178 cm ; L. 233 cm.
Amsterdam Museum. © Amsterdams Historisch Museum.
 
Juan Carreño de Miranda (1614-1685). Portrait de Charles II, Roi d’Espagne, entre 1625 et 1700. Huile sur toile. Valenciennes. Musée des Beaux-Arts.
 
Thomas de Keyser (vers 1596-1667). Portrait d’Elizabeth van der Aa, 1628. Huile sur bois. Saint-Omer, musée Sandelin.


8 - La vie en noir

Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
La mode du noir

Le noir s'impose au 19e siècle comme la couleur du deuil. La Douleur d'Émile Friant nous rappelle cette pratique sociale largement partagée.
Malgré son association avec la mort et la sobriété, le noir s'impose à partir du 16e siècle dans la mode aristocratique européenne. Le 19e  siècle va confirmer son statut de couleur de l'élégance, l'élargissant à d'autres classes sociales.
Carolus-Duran nous en donne une magnifique leçon dans sa Dame au gant. Alfred Agache, quant à lui, avec son Énigme, allie l'élégance au mystère que la couleur inspire, faisant de cette figure en voile noir une déesse de l'oubli voire l'image de la mort elle-même.
Au 20e siècle, ce sont les plus grands créateurs de la haute couture qui investissent à leur tour le noir. Grâce à de grands couturiers comme Jeanne Lanvin ou Coco Chanel, le noir acquiert une nouvelle noblesse, avant de se diffuser à grande échelle et de devenir le symbole de l'élégance moderne que popularise le cinéma, comme ici Marylin Monroe dans Certains l'aiment chaud (1959).

 
Texte du panneau didactique.
 
Émile Friant (1863-1932). La Douleur, 1898. Huile sur toile, 242 x 364 cm. Nancy. Musée des beaux-Arts.
Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
 
Edouard Manet (1832-1883).  Portrait de Berthe Morisot à l'éventail, 1874. Huile sur toile, H. 61 cm ; L. 50,5 cm. Palais des Beaux-Arts – Lille. Institution propriétaire : Musée d'Orsay – Paris. © RMN-Grand Palais musée d'Orsay - Hervé Lewandowski.
 
Carolus-Duran (1837-1917).  La dame au gant, 1869. Huile sur toile, H. 228 cm ; L. 164 cm. Musée d'Orsay – Paris. © RMN-Grand Palais musée d'Orsay - Hervé Lewandowski.
 
Alfred Agache (1843-1915).  Énigme, 1888. Huile sur toile, H. 280 cm ; L. 169 cm. Musée des beaux-arts – Rouen. © C. Lancien, C. Loisel /Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie.
 
Jeanne-Marie Lanvin.  Neptune, Hiver 1926-1927. Satin (armature), soie. Palais Galliera, musée de la Mode de la ville de Paris – Paris. © P. Joffre, C. Pignol / Galliera / Roger-Viollet.


9 - Misère noire

Scénographie
Misère noire

Au 19e siècle, le noir, couleur de la fumée de charbon et du bitume, s'impose dans le quotidien des villes. Dès lors, il est progressivement associé à la misère des laissés-pour-compte de la révolution industrielle, notamment par la littérature et la peinture. Ce noir de la rue devient un sujet pour les artistes qui vont donner à voir les sombres effets des sociétés modernes sur les plus déshérités.
Avec la parution des Mystères de Paris d'Eugène Sue (1842-1843) ou des Misérables de Victor Hugo (1862), les artistes vont dépeindre une réalité sociale parfois insoutenable, comme ici Philippe-Auguste Jeanron où Fernand Pelez. À l'opposé du luxe des vêtements teints en noir, les peintres donnent à voir la crasse qui noircit les haillons et la peau des nécessiteux. Le cinéma poursuit cette approche en dénonçant plus violemment encore les inégalités sociales, comme Jean Vigo dans À propos de Nice (1930).
 
Texte du panneau didactique.
 
Fernand Pelez (1848-1913). Un Martyr. Le Marchand de violettes, 1885. Huile sur toile, 87 x 100 cm. Petit Palais. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.
Philippe-Auguste Jeanron (1809-1877). Une Scène de Paris, 1833. Huile sur toile, 97 x 130 cm.
Chartres. Collection du Musée des Beaux-Arts.


LE NOIR INDUSTRIEL

10 - Noirs industriels

Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
Charbon

Au cours du 19e siècle, les sociétés à dominantes agraire et artisanale sont profondément transformées par la révolution industrielle. Dans une course effrénée qu'illustrent ici les images extraites du film La Roue d'Abel Gance (1923), les mutations tant économiques que technologiques bouleversent le rapport de l'homme au monde.
Parce qu'il évoque le charbon, la fumée des usines ou le goudron, le noir devient la couleur emblématique de l'industrialisation des sociétés occidentales. Les artistes saisissent ces nouveaux paysages et architectures de l'industrialisation intensive (Becher, Charbonnier), et rendent hommage à ses nouveaux héros, anonymes (Meunier).
Inlassablement photographiés, les mineurs de charbon aux « gueules noires » deviennent des icônes de la condition ouvrière : le travail éreintant, au plus profond des entrailles de la terre, imprime sur les visages devenus tous semblables, un masque noir que seuls percent les regards, à l'humanité intacte.
 
Texte du panneau didactique.
 
Patrick Caulfield. Coal Fire, 1969. Sérigraphie, H. 35,9 cm ; L. 30,8 cm. Tate – Londres. © Tate. © The Estate of Patrick Caulfield. All Rights Reserved, DACS / Adagp, Paris, 2020.
Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
Photographies de gueules noires du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, 1957-1979. Photographies. Tirages 2020.
Lewarde. Centre Historique Minier (prêt ANMT).
 
Photographies de gueules noires du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, 1957-1979. Photographies. Tirages 2020.
Lewarde. Centre Historique Minier (prêt ANMT).
Constantin Meunier (1831-1905). Le Grisou, 1893. Bronze, h. 27; l. 39; pr. 18,5 cm.
Roubaix, La Piscine - Musée d’art et d’industrie André Diligent. Achat en 2015.
Scénographie
Noir pop

La révolution industrielle se double d'une extraordinaire révolution intellectuelle et artistique : tout au long du 20e siècle, les artistes d'avant-garde, fermement opposés à toute immobilité académique, bouleversent les formes de l'art, notamment dans les années 1960.
Ici, Bernar Venet recourt à des matériaux industriels et conçoit une sculpture sans forme spécifique obéissant aux lois de la gravité. Les artistes du Nouveau réalisme procèdent à un « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire» (Restany) : Arman accumule des objets prélevés dans la vie, César comprime des voitures. La couleur noire renvoie ici à un présent cacophonique mais morbide : les dépouilles des objets de la société des Trente glorieuses apparaissent comme les victimes d'une civilisation de consommation. En réaction à l'étiolement du miracle industriel, les artistes de l'Arte Povera, comme  Jannis Kounellis, réactivent des matières noires  puisées par l'industrialisation afin d'en révéler la fragilité comme la sensualité originelles.

 
Texte du panneau didactique.
 
Jannis Kounellis (1936-2017).  Sans titre (détail), 1985. Toile de jute, peinture. Musée de Grenoble – Grenoble.
 
César Baldaccini, dit César (1921-1998). Compression de capot de voiture au coin de Hudson et Canal Street 11 novembre 1990, 1990. Métal. Collection particulière.
 
Jannis Kounellis (1936-2017).  Sans titre, 1985. Toile de jute, peinture, 550 x 250 cm. Musée de Grenoble – Grenoble. © Ville de Grenoble, Musée de Grenoble. Photographie : Jean-Luc Lacroix. © ADAGP.
 
Bernar Venet (né en 1941). Goudron, 1963. Goudron sur toile. Collection particulière.
 
Armand Fernandez, dit Arman (1928-2005). Accumulation Renault, 1968-1969. Bois, métal. Collection particulière.


LE NOIR POUR LE NOIR

11 - Le noir pour le noir (1)

Scénographie
Partir du noir

Le noir apparaît comme une matière première de la création d'où émergent les formes et les images. En effet, dans le secret de l'atelier, l'artiste recourt à la couleur noire comme le ferait un alchimiste : elle est un révélateur qui transforme l'image latente en image visible. Chez Simon Hantaï, le noir, appliqué sur une toile pliée puis dépliée pour être tendue sur le châssis, provoque l'apparition d'un labyrinthe blanc, lumineux.
Gratté ou frotté, incisé où plié : nombreux sont les procédés pour en faire naître l'image, comme en témoignent l'estampe chez Vallotton, le Light painting dans la photographie de Mili, ou encore l'écriture d'Alain Fleischer retranchée du papier carbone.
À l'ère de l'image reproductible, les artistes se confrontent au noir comme à une page blanche : en gravure comme en photographie, l'image première se crée en négatif. Le temps de l'élaboration, les polarités sont inversées, modifiant significativement la relation que les artistes entretiennent à cette couleur.

 
Texte du panneau didactique.
 
Vassily Kandinsky (1866-1944). Von hier bis Dort [D’ici jusque-là], 1933. Tempera et gouache sur carton gris, H. 41,5 cm ; L. 57 cm. Centre Pompidou - Musée national d'art moderne – Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais - Philippe Migeat.
 
Simon Hantaï (1922-2008).  Etude I, suite pour Pierre Reverdy, 1969. Peinture acrylique sur toile,  H. 151 cm ; L. 140 cm ; P. 2,5 cm. MAC-VAL - Vitry-sur-Seine. © Archives Simon Hantaï / Adagp, Paris 2019 / Photo © Claude Gaspari.
 
Amphore à décor incisé de spirales. Étrurie méridionale (Italie actuelle), vers 640-610 avant J.-C. Argile. Paris. Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines.
Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
James Lee Byars (1932-1997). The Flower Text, The Philosophy Text, 1987. Crayon sur papier.
Collection particulière.
 
Félix Vallotton (1865-1925). Le feu d'artifice, 1901. Xylographie, H. 16,4 cm ; L. 12,2 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et Photographies. © BnF.
 
Gjon Mili (1904-1984). Femme debout réalisé au crayon lumineux par Picasso à la Galerie Vallauris, en août 1949. Tirage non daté. Photographie, épreuve gélatino-argentique. Musée national Picasso – Paris. Don Succession Picasso, 1992.
Scénographie
Silhouettes

La couleur noire, extrêmement proche d'absorber la totalité de la lumière, constitue pour le peintre un moyen d'obtenir un effet de non-profondeur sur son support. Cette qualité du noir est utilisée pour sa puissance de « silhouettage ». Il découpe des profils sur un fond contrastant dès les 15e et 16e siècles, dans des portraits italiens rappelant les médailles antiques (Piero di Cosimo ; atelier de Léonard de Vinci). Plus tard Matisse, avec ses papiers découpés, taille alternativement des silhouettes ou leur fond dans le noir.
Les techniques des céramistes de l'antiquité leur permettent d'obtenir des noirs profonds qui magnifient les silhouettes virtuoses de leurs vases.
 
Texte du panneau didactique.
 
Adriaen Coorte (1660-1707). Cinq coquillages sur une tranche de pierre, 1696. Huile sur papier collé sur bois. Paris. Musée du Louvre, département des Peintures.
 
Attribué à l’entourage de Léonard de Vinci (1452-1519). Portrait de femme, dit La Belle Ferronière, vers 1495-1499. Huile sur bois. Paris. Musée du Louvre, département des Peintures.
 
Alessandro Filipepi dit Sandro Boticelli (1445-1510). Portrait de jeune homme, vers 1480-1485. Tempera sur bois. Paris. Musée du Louvre, département des Peintures.
 
Henri Matisse (1869-1954). Le Clown, 1947. Gouache de linel au pochoir, imprimé sur papier vélin d’Arches. Tiré à part de la planche 8, du livre Jazz, page 54. Le Cateau-Cambrésis. Musée départemental Matisse.
 
Psykter à vernis noir. Béotie (Grèce). Vers 500-400 avant J.-C. Argile. Paris. Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines.


11 - Le noir pour le noir (2)

Scénographie
La tentation du monochrome

Bien que différentes symboliques soient attachées à la couleur noire, les peintres ont su s’approprier les qualités propres  au coloris pour en sublimer les textures et les différents effets de matière, au travers de compositions ou seule la teinte semble se déployer. Sans toujours être totalement homogène, le noir envahit les œuvres qui révèlent cette couleur aux tonalités changeantes : le terme de monochrome  désigne ces créations mobilisant une seule couleur.
L'histoire de l'art montre que bien avant son invention au 20e siècle le principe du monochrome séduit les peintres dès la Renaissance. Lorsque Ribera peint son Platon en habit noir sur fond noir il engage la virtuosité de son pinceau à différencier à peine les modulations, teintes, textures et sensations du noir. Sans cesse sublimée la qualité vibratoire du noir est également au centre de la peinture d'Ad Reinhardt où se décline la richesse plurielle de la couleur des « peintures ultimes ».
 
Texte du panneau didactique.
 
Ad Reinhardt (1913-1967). Ultimate Painting n° 6, 1960. Huile sur toile, H. 153 cm ; L. 153 cm. Centre Pompidou - Musée national d'art moderne – Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI. © ADAGP, Paris.
 
José de Ribera (1591-1652). Le philosophe Platon, 1630. Huile sur toile. Collection des Musées d’Amiens.
 
Yohji Yamamoto (né en 1943). Robe, 1990-1991. Tissu, triacétate noir, sergé. Palais Galliera, musée de la Mode de la ville de Paris – Paris. © Philippe Fuzeau.
Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
Le noir radical

La couleur noire pure n’accepte aucune variation de tonalité ou de valeur. Dès lors, le noir porte en lui un absolu et une radicalité dont vont s’emparer les artistes de la modernité, en en faisant le coloris privilégié des monochromes et de l’abstraction. La très célèbre Croix [noire] de Malévitch en constitue l’un des jalons historiques, alors que le Cercle réalisé par Kandinsky est une illustration de sa théorie des formes. Le noir leur permet en effet de repenser le monde et  sa représentation, quitte à les refuser, prolongeant la réflexion de l’astrologue, philosophe et médecin anglais Robert Fludd qui, au 17e siècle, fait graver le premier carré noir abstrait connu pour figurer l’infini.
 
Texte du panneau didactique.
 
Ellsworth Kelly (1923-2015). Sans titre, EK 696, 1983. Acier. Collection particulière.
 
Robert Fludd (1574-1637). Histoire métaphysique, physique et technique de l’un et l’autre monde, à savoir du grand et du petit : Et sic in infinitum (Et ainsi de suite), 1617-1618. Imprimé. Paris. Bibliothèque national de France.
 
Tony Smith (1912-1980). Seed (Édition 1/3), 1968. Acier peint en noir. Collection particulière.
 
Kasimir Malevitch (1878-1935). Croix [noire], 1915. Huile sur toile, H. 80 cm ; L. 80 cm. Centre Pompidou - Musée national d'art moderne – Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais - Philippe Migeat.
 
Vassily Kandinsky (1866-1944).  Cercle noir sur fond blanc (Matériel d'enseignement au Bauhaus), 1922-1933. Gouache sur papier, H. 24,3 cm ; L. 24,2 cm. Centre Pompidou - Musée national d'art moderne – Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Adam Rzepka.


12 - Outrenoirs

Scénographie. Photo Laurent Lamacz / Louvre Lens.
Au-delà du noir

Dans la seconde moitié du 20 siècle et jusqu'à aujourd'hui, la couleur noire fait l'objet de nombreuses explorations visant à dépasser son obscurité. Loin d'être théoriques, ces recherches menées par d'immenses peintres portent très concrètement sur la peinture dans sa matérialité et les moyens de l'appliquer sur la toile.
Le noir pulvérisé au pistolet par Hans Hartung crée une immense tache nuageuse qui semble déborder au-delà du cadre du tableau. Cette plage de couleur vibrante entraîne le spectateur dans une expérience sensorielle et méditative, attire son attention vers ce qui suffit à définir la peinture. La matière noire inspire et guide le geste du peintre. C'est en adoptant cette démarche que Pierre Soulages fait basculer la couleur noire dans une dimension encore inimaginée : l’« outrenoir », cet au-delà du noir, reflète tant la lumière qu'il en devient luminescent et multicolore. La matière picturale, brillante et excitée par un puissant jeu de stries, devient un éblouissement dont l'expérience, sans cesse renouvelée en se déplaçant devant la toile, demeure bouleversante et finalement indescriptible.

 
Texte du panneau didactique.
 
Hans Hartung (1904-1989).  T 1967-H25, 1967. Huile sur toile, H. 154 cm ; L. 250 cm. Centre Pompidou - Musée national d'art moderne – Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Claude Planchet. © Hans Hartung / ADAGP, Paris.
Pierre Soulages (né en 1919). Peinture 324 x 362, 1986. Polyptyque G, 1986. Huile sur toile.
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
Pierre Soulages (né en 1919).  Peinture 202 x 453 cm, 29 juin 1979, 1979. Huile sur toile, H. 203 cm ; L. 453 cm.
Centre Pompidou - Musée national d'art moderne – Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais Philippe Migeat. © ADAGP, Paris.