SARAH BERNHARDT
Et la femme créa la star

Article publié dans la Lettre n°576 du 2 août 2023



 
Pour voir le parcours en images et en vidéos de l'exposition, cliquez ici.

SARAH BERNHARDT. Et la femme créa la star. Sarah Bernhardt  est née en 1844 à Paris d’une courtisane parisienne juive originaire de Hollande, connue sous le nom de Youle, et d’un père longtemps inconnu, Édouard Viel, un notable du Havre, qui a fait de la prison pour malversations financières. Elle est élevée par une nourrice à Quimperlé, où elle ne parle que le Breton, jusqu’en 1853 où elle rejoint le couvent du Grand Champ à Versailles. Là elle devient « mystique catholique », est baptisée, et envisage même de prendre le voile. Elle arrête ses études en 1858, à 14 ans, passe le concours du Conservatoire où elle est reçue. Sur la recommandation du duc de Morny elle entre au Conservatoire d’art dramatique de Paris, en sort en 1862 avec un second prix de comédie et est engagée à la Comédie Française. A la même époque, la police des mœurs la compte parmi les « dames galantes » soupçonnées de prostitution clandestine. Ayant donné une gifle à une sociétaire, qui l’avait sans doute méritée, elle est renvoyée en 1866.
Elle est ensuite engagée à l’Odéon où elle triomphe en 1872 dans le rôle de la reine de Ruy Blas. Victor Hugo la surnomme alors la « Voix d’or ». Elle est alors rappelée par la Comédie Française qui la nomme sociétaire en 1875. Elle y joue Phèdre, Hernani, etc. Elle est surnommée « la Divine », l’« Impératrice du théâtre ». Après l’échec d’une pièce qu’elle ne voulait d’ailleurs pas jouer, elle démissionne avec fracas, mettant la presse en copie de sa lettre de rupture. Elle crée sa propre compagnie avec laquelle elle part jouer et faire fortune à l'étranger jusqu'en 1917. Première « star » internationale, elle est la première comédienne à avoir fait des tournées triomphales sur les cinq continents et en Australie. Jean Cocteau forge pour elle le terme de « monstre sacré ». Elle meurt en 1923 à l’âge de 78 ans.
C’est donc à l’occasion du centenaire de la mort de cette comédienne hors pair que le Petit Palais organise cette extraordinaire exposition. Il est normal qu’il lui rende cet hommage, lui qui a reçu de son fils Maurice Bernhardt, un magnifique portrait et plusieurs sculptures faites par sa mère. Cette exposition est extraordinaire à plus d’un titre. Par sa scénographie, toujours très réussie dans ce musée ; par la qualité des objets exposés et leur nombre, plus de 400 ; par l’originalité et l’exhaustivité du parcours.
Celui-ci commence par une évocation de la demi-mondaine qu’elle était avec sa mère et sa tante, puis par son deuxième passage à la Comédie Française où elle est aussi connue par son talent que par ses frasques. On la surnomme « Mademoiselle Révolte ».
Délaissant un instant le théâtre, le parcours présente celle qui fut bien autre chose qu’une comédienne et c’est une révélation. On découvre ses talents de peintre et surtout de sculptrice avec Le Fou et la Mort, un bronze de 1877 ; Portrait de fillette, un marbre ; Louise Abbéma, un marbre de 1878 représentant son amie ; Victorien Sardou, un bronze de 1900, etc., et aussi des autoportraits comme ce marbre de 1880. Très tôt, elle est entourée d’artistes et, comme eux, expose au Salon. Parmi ceux-ci on compte avant tout Louise Abbéma et Georges Clarin, mais aussi Jules Bastien-Lepage, Gustave Doré et à partir de 1894, Alfons Mucha qui réalisera des affiches étonnantes mettant en valeur sa silhouette en « S ». Tous la représentent tant dans ses plus grands rôles que dans son intimité.
Justement, à côté des nombreux tableaux exposés ici, une section nous dévoile des objets, photographies, vêtements et accessoires lui ayant appartenu. On y découvre aussi son goût pour l’étrange comme les représentations de fauves ou de chauve-souris, sans oublier ses siestes dans un cercueil ! Des vitrines exposent quelques-uns des ouvrages qu’elle a écrits, des romans, des pièces de théâtre, telle Adrienne Lecouvreur, et aussi Dans les nuages - Impressions d'une chaise où elle relate son voyage en ballon, à la grande fureur de l’administrateur de la Comédie Française.
Le parcours reprend l’évocation de ses plus grands rôles, Froufrou, Théodora, La dame aux camélias, La Tosca, Cléopâtre, Jeanne d’Arc, Phèdre, et aussi ses rôles en travesti, comme Hamlet ou l’Aiglon, à qui toute une salle est consacrée. Des photographies, affiches, costumes, bijoux, peintures et maquettes de décors illustrent ces pièces. La mise en scène et les décors de certaines, comme Cléopâtre, étaient dignes des grandes productions hollywoodiennes de l’époque.
Dans une section intitulée « La divine » nous avons un aperçu de l’usage que Sarah Bernhardt faisait de sa notoriété, n’hésitant pas à associer son nom à des réclames pour de la poudre de riz, de l’absinthe ou des biscuits LU.
Dans un décor évoquant un wagon de chemin de fer, nous faisons ensuite plus ample connaissance avec la « Muse ferroviaire ». Un panneau impressionnant nous présente tous les voyages qu’elle fit à travers le monde, parfois plusieurs fois au même endroit, dans son mythique train Pullman spécialement aménagé pour elle. Un jeu interactif nous raconte des anecdotes sur ses séjours dans telle ou telle ville.
Les dernières sections évoquent avec moult documents et pièces de toutes sortes celle qui fut aussi une véritable femme d’affaires au caractère bien trempé, en tant que directrice de théâtres, le théâtre de La Renaissance de 1893 à 1899 puis le Théâtre des Nations, place du Châtelet, qu’elle rebaptisa Théâtre Sarah Bernhardt (l’actuel Théâtre de la Ville).
Les commissaires évoquent aussi son engagement durant la guerre, tant en 1870 que pendant la Première Guerre mondiale ainsi qu’en faveur de Dreyfus.
Sarah Bernhardt  vit la naissance du cinéma et tourna dans une dizaine de films dans lesquels elle reprenait ses plus grands rôles. Nous voyons de courts extraits, évidemment muets, de ceux-ci, ainsi que des documentaires sur ses « vacances » à Belle-Île-en-Mer, où elle s’était fait construire une grande maison pour elle, sa famille et ses amis, et sur ses funérailles grandioses.
L’exposition se termine avec une évocation de Belle-Île-en-Mer où elle continuait à sculpter, en particulier des algues aux formes tout à fait étranges. Une exposition absolument remarquable, à ne pas manquer. R.P. Musée du Petit Palais 8e. Jusqu’au 27 août 2023. Lien: www.petitpalais.paris.fr.


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