RODIN
L’exposition du centenaire

Article publié dans la Lettre n° 431
du 12 juin 2017


 
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RODIN. L’exposition du centenaire. A l’occasion du centenaire de la mort d’Auguste Rodin (1840-1917), le musée Rodin et la Réunion des musées nationaux Grand Palais se sont associés pour célébrer cet artiste. Ceux qui ont visité le musée Rodin (Lettre 393) ne feront pas de découvertes sur ce sculpteur et l’ensemble de son œuvre. Les organisateurs en étaient certainement conscients en préparant cette rétrospective puisqu’ils l’ont axée sur l’influence de Rodin sur les jeunes artistes de son temps, dont beaucoup ont travaillé dans son atelier, et sur les artistes contemporains qui ont vu ce qu’il y avait de novateur dans l’œuvre du Maître.
L’exposition se déploie en trois grandes parties : « Rodin expressionniste », « Rodin expérimentateur » et « Rodin l’onde de choc ». La scénographie est aérée et permet la plupart du temps de tourner autour des sculptures. En revanche, l’éclairage naturel crée des contrejours néfastes, en particulier pour les bronzes qui ressemblent alors à de grosses masses sombres, et trop de dessins sont présentés à l’horizontal ce qui ne facilite pas leur vue.
Dans la première partie, après le fameux Buste de Rodin (1892) par Camille Claudel (1864-1943), nous voyons les œuvres phares de cette première période de Rodin, où il se libère du sujet au sens traditionnel du terme pour faire parler le corps, « un moulage où s’expriment les passions » comme il le définit. Parmi les grandes compositions de cette époque, nous avons les Bourgeois de Calais (1884-1889), présentés ici dans une épreuve moderne en plâtre (2005) et surtout La Porte de l’Enfer (1880-vers 1890) d’après Dante, dont on voit les principaux personnages composant cette porte comme Le Penseur, avec un grand modèle en plâtre patiné, Les Trois Ombres (avant 1886), assemblage de trois figures identiques disposées au sommet de La Porte de l’Enfer, Paolo et Francesca qui deviendront Le Baiser, et surtout une multitude de Damnés dans toutes les positions comme le Torse d’Adèle, la Faunesse à genoux, la Méditation, Fugit Amor dont le garçon de ce couple, séparé, devint L’Enfant prodigue, etc. Déjà on se rend compte de l’intérêt de Rodin pour les assemblages et les recompositions à partir d’éléments provenant de diverses sources. Dans ces salles, on voit également des œuvres de Rodin en porcelaine et en terre cuite à côté des plâtres, marbres et bronzes plus connus.
En regard de ces sculptures, nous avons des œuvres de Wilhelm Lehmbruck (1881-1919) telles que Jeune Homme assis (1916-1917) ou Le Prostré (1915), proche d’Ugolin et ses enfants (1881-1882) de Rodin ; d’Antoine Bourdelle (1861-1929) avec ses Trois têtes hurlantes (1894-1899) ; de Ivan Mestrovic (1883-1962) avec son groupe Fontaine de la vie (1905) qui côtoie la Fontaine aux agenouillés (exposée en 1899 à Bruxelles) de George Minne (1866-1941) etc. Nous avons aussi des sculptures contemporaines comme Chose populaire zéro (2009) de Georg Baselitz (né en 1938) ou Torse de La Ville Détruite (1951-1963) d’Ossip Zadkine (1890-1967).
Cette première partie se termine avec « Les dessins noirs » de Rodin, selon le mot de Bourdelle, de technique mixte (crayon, encre, lavis), sans rapport avec ses sculptures mais comportant des formes communes à celles-ci. Ces dessins ont inspiré les sculpteurs et même des artistes contemporains comme Marcheschi, exposé ici, ou Beuys et Fautrier, exposés plus loin.
Après une transition entre les deux étages où l’on voit l’Homme qui marche sur colonne (1900) ; un exemplaire en plâtre de La Porte de l’Enfer, entre La Fontaine inachevée de Bourdelle (vers 1899) et Les Passions humaines (entre 1889 et 1899) de Joseph Lambeaux (1852-1908), tous deux manifestement inspirés par cette porte, et de nombreux plâtres dont un Balzac grandeur nature (1898), nous arrivons dans la deuxième partie « Rodin expérimentateur ». C’est sans doute ce don pour utiliser sans cesse de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens d’expression tels que le dessin ou la photographie, qui fait de Rodin ce génie tant admiré, aussi bien à son époque qu’aujourd’hui. Le parcours nous présente successivement les « Dessins de l’exposition de Prague », en 1902, deux ans après la fameuse exposition personnelle de Rodin place de l’Alma, en marge de l’Exposition Universelle ; ses travaux photographiques, une méthode que Brancusi, Moore et quelques autres reprirent, et un ensemble impressionnant de sculptures de toutes tailles : La Mort d’Alceste, Roméo et Juliette, Le Christ et la Madeleine, La Martyre, La Chute d’un ange, Femmes enlacées, Les Bénédictions, etc. en marbre ou en bronze et dans des états différents selon l’année de leur réalisation, Rodin apportant sans cesse des modifications à son travail. Ces œuvres plaisaient beaucoup au public. Le patriarche qu’il est devenu en ce début du XXe siècle inspire les jeunes artistes que sont alors Picasso, Matisse, Lehmbruck, Brancusi et bien d’autres, dont on voit quelques œuvres, comme lors de l’exposition du musée d’Orsay « Oublier Rodin » (Lettre 297). Cette façon qu’a Rodin de considérer qu’un pied, une main, un torse, une tête isolés sont des œuvres en soi se révèle d’une étonnante fécondité tout au long du XXe siècle. A la fin de sa vie, Rodin ne réalise aucun nouveau sujet. Il se « contente » d’agrandir de petites figures anciennes, de supprimer des têtes et ou des jambes pour créer de nouvelles œuvres comme ce Torse de jeune Femme cambrée, né d’une petite Damnée de La Porte de l’Enfer.
Après être passé devant la Robe de chambre de Balzac (1897), plâtre étonnant rappelant le refus par la Société des gens de lettres de son Balzac, qu’elle lui avait commandé en 1891, et divers assemblages de figurines en plâtre et de vases antiques, nous arrivons dans la troisième partie « Rodin, l’onde de choc ». Alors que durant l’entre deux-guerres il n’y avait que l’abstrait qui comptait et qu’on « oubliait » Rodin, à partir de 1945 et la « découverte » des innombrables plâtres de celui-ci, les artistes exploitent des sujets qui lui étaient chers. Parmi les nombreux artistes représentés ici, citons Germaine Richier (1902-1959), Alberto Giacometti (1901-1966), Lucio Fontana (1899-1968), Pablo Picasso (1881-1973), Henri Moore (1898-1986), Willem de Kooning (1904-1997), César (1921-1998), Eugène Dodeigne (1923-2015), A. R. Penck (né en 1939), Markus Lüpertz (né en 1941), etc. Une exposition riche d’environ 330 œuvres dont 169 d'Auguste Rodin. Assurément un évènement. R.P. Grand Palais 8e. Jusqu’au 31 juillet 2017. Lien : www.rmn.fr.


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