Parcours en images de l'exposition

PRÉHISTOIRE
Une énigme moderne

avec des visuels mis à la disposition de la presse,
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°484 du 24 juillet 2019




Prologue

En quoi le surgissement de l’idée de préhistoire correspond-il à des attentes spécifiquement modernes ? Pourquoi le mot s’est-il imposé avec tant de force dans les représentations collectives, dès les années 1860 ? Par quelles voies les artistes ont-ils investi cette grande faille ouverte dans la perception du monde ? Comment les concepts, les spéculations, les découvertes, les rêves, les peurs, les désirs de notre temps s’y rencontrent-ils ?
Notre imaginaire de la préhistoire est avant tout un imaginaire du temps des origines, toujours manquantes ou fragmentaires. Ce temps immémorial échappe au récit. Il contient à la fois l’énigme de la Terre avant les hommes et celle de « l’homme fossile », jusqu’à l’invention de l’écriture.
Sur ce vaste horizon, la perception de la préhistoire est modifiée par l’art moderne autant que l’art moderne est modifié par la perception de la préhistoire. Fascinés par ces traces montées de la nuit des temps, des artistes majeurs ont contribué à leur donner sens – de Cézanne à Penone, de Picasso à Louise Bourgeois et aux frères Chapman, de Chirico à Smithson. Au fond, il ne s’agit pour l’art ni d’illustrer un impossible récit de la préhistoire ni d’imiter des formes opaques, mais de faire résonner une idée, d’en éprouver la force et de l’ouvrir sur le futur.
À un tournant anthropologique majeur, nous rassemblons en un seul geste la quête des commencements et l’appréhension de la fin. Mais l’énigme de la préhistoire déjoue tous les déterminismes. Elle transforme toute vision en question. Apocalypse, utopie ou révolution ?
 
Texte du panneau didactique.
 
Crâne d’Homo sapiens dit « Homme de Cro-Magnon » (abri Cro-Magnon, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), époque gravettienne (vers – 28 000 ans). Découvert en mars 1868 par Louis Lartet ; déposé en 1868 au Muséum d’histoire naturelle. Muséum national d’histoire naturelle, Paris.
 
Citation de Jorge Luis Borges
 
Paul Klee. Die Zeit [Le temps], 1933. Aquarelle et pinceau sur gaze apprêtée avec du plâtre sur contreplaqué, 25,5 × 21,5 cm. Staatlichen Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen.

1 - Épaisseur du temps

Scénographie
Au tournant du 18e et du 19e siècle, grâce à la stratigraphie, on apprend à distinguer les « époques de la nature », selon l’expression de Buffon. En 1836, William Buckland lit dans les coupes terrestres « le grand drame de la vie universelle ». Le temps se lit dans le sol. Mais ce temps est opaque comme le sont les couches de la Terre.
C’est cette épaisseur temporelle à laquelle Cézanne est sensible dès les années 1860, grâce à son amitié avec le jeune archéologue et géologue Antoine-Fortuné Marion. Dans le paysage, il décèle les traces de mouvements « antéhistoriques » qui transforment radicalement sa perception. Le sol s’anime et les figures humaines s’y dissolvent.
Au cours des mêmes années, Odilon Redon sent « le poids du fond des temps » sur les landes du Médoc et sur les grèves de Bretagne. Lui aussi a été nourri par des conversations scientifiques avec son ami botaniste Armand Clavaud. En 1883, elles suscitent les formes hallucinatoires de son recueil Les Origines,à mi-chemin entre Darwin et Pascal.
 
Texte du panneau didactique.
 
Paul Cézanne. Dans les carrières de Bibémus, vers 1895. Huile sur toile, 104 × 73 × 3 cm. Collection particulière.

Odilon Redon
- La Grève à Morgat, s. d. Mine graphite sur papier crème, mine de plomb, 23,3 × 42,1 cm.
- Le Boulet, s. d. Fusain estompé, craie blanche sur papier, 9,8 × 11,3 cm.
- Paysage avec des rochers, s. d. Mine de plomb, 24,5 × 18 cm.
- Paysage avec un homme le contemplant, s. d. Crayon noir, estompe, papier crème, mine graphite, 20 × 26,4 cm.
- Rochers, s. d. Mine graphite, 24,5 × 30,8 cm.
- Rochers à Ory, s. d. Mine graphite sur papier crème, 11,9 × 18,2 cm.
Musée d’Orsay, Paris. Legs de Mme Arï Redon en exécution des volontés de son mari, fils de l’artiste, 1984.

 
Paul Cézanne.  La Montagne Sainte-Victoire vue des carrières de Bibémus, 1898-1900. Huile sur toile, 65 x 81 cm. Baltimore Museum of Art : The Cone Collection, formed  by Dr. Claribel and miss Etta Cone of baltimore, Maryland.  © The Baltimore Museum of Art/Photography By : Mitro Hood.
 
Odilon Redon. Femme nue tournée vers la droite, se retournant vers un homme nu accroupi, s. d. Crayon noir, 13 × 19,9 cm. Musée d’Orsay, Paris. Legs de Mme Arï Redon en exécution des volontés de son mari, fils de l’artiste, 1984.


2 - La Terre sans les hommes



Scénographie
L’exploration du passé géologique a révélé que l’espèce humaine était apparue relativement récemment. Dans les innombrables fossiles d’espèces disparues, l’homme occidental peut y lire l’annonce de sa propre extinction.
Contemporaines de la révolution industrielle, la géologie et la paléontologie ébranlent elles aussi les formes et les savoirs. C’est cette préhistoire minérale qui inspire les artistes dès les années 1920. Après la Première Guerre mondiale, dans les compositions stratifiées de Max Ernst, les sédimentations d’objets obsolètes révèlent les fossiles de notre civilisation. Alberto Savinio ressuscite le monde antédiluvien, pour le mêler aux ruines de l'histoire et de la modernité. Cependant les formes minérales, fragmentaires et suggestives, ouvrent aussi sur le futur.
De Chirico conçoit ses entités spectrales et hétéroclites comme les « oracles » d’une seconde préhistoire, tandis que les frottages de Max Ernst et la matérialité informe des sols de Dubuffet ou Fontana suggèrent un monde immémorial, attendant son actualisation par le regard du présent. Enfin, la coupe géologique de Graham Sutherland met en évidence la continuité stricte entre la richesse minérale du sol britannique et les activités humaines.
 
Texte du panneau didactique.
 
Giorgio De Chirico. Melanconia della partenza [Mélancolie du départ], 1916. Huile sur toile, 51,8 × 36 cm. Tate, Londres. Purchased 1978.
 
Alberto Savinio. Souvenir d’un monde disparu, 1928. Huile sur toile, 61 x 78 cm. Collection particulière, Italie. © Adagp, Paris 2019.
 
Willi Baumeister. Tertiär-Gestalt [Forme de l’âge tertiaire], 1933. Crayon et fusain sur carton, 29,5 × 41,5 cm. Archiv Baumeister im Kunstmuseum Stuttgart.
 
Jean Dubuffet. Messe de terre, décembre 1959-mai 1960. Papier mâché collé sur bois, 150 × 195 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Donation de M. Daniel Cordier en 1977. En dépôt depuis le 1er septembre 1999 aux Abattoirs - Frac Midi-Pyrénées, Toulouse.
 
- Fossile de raie Zapteryx bichuti. Calcaire grossier, datant de l’Éocène (–56 à –34 millions d’années), en provenance de Saint-Vaast-les-Mello (Bassin parisien), 50 × 53 × 13 cm.
- Coquillage Campanile giganteum, datant de l’Éocène, Lutétien (–47,8 à –41,3 millions d’années), 15 × 47 × 17 cm.
- Coquillage Campanile giganteum, provenant de Parnes (Oise), datant de l’Éocène, Lutétien (–47,8 à –41,3 millions d’années), 22,5 × 56 × 21 cm.
Muséum national d’histoire naturelle, Paris.
Scénographie
 
Graham Sutherland. The Origins of the Land, 1950-51. Huile sur toile, 425 x 327 cm. Tate, Londres Presented by the Arts Council of Great Britain 1952. © Tate London. © Adagp, Paris 2019.
 
Otto Dix. Steinkohlezeit (Steinkohlenlandschaft) [Le carbonifère (paysage carbonifère)], 1922. Aquarelle et crayon sur papier posé sur carton, 75 × 65 cm. Collection particulière, Allemagne.
 
Max Ernst. Eislandschaften, Eiszapfen und Gesteinsarten des weiblichen Körpers [Paysages glaciaires, stalactites et minéraux du corps féminin], 1920. Gouache et crayon sur papier, 26 × 24,5 cm. Moderna Museet, Stockholm. Purchased 1967 (The Museum of Our Wishes).
 
Eugen Gabritschevsky. Sans titre, 1934-1935. Gouache sur papier, 17 × 27 cm. Collection Madeleine et Pierre Chave.


3 - L'invention de la préhistoire



Scénographie
La lente formation de l’idée de préhistoire est ponctuée de découvertes stupéfiantes. À peine confirmée l’antiquité de l’homme en 1859, la découverte accidentelle des premiers objets symboliques du Paléolithique dans une caverne bouleverse la vision de l’histoire du monde et de l’art. L’adjectif « préhistorique » est inventé par l’archéologie scandinave dans les années 1830 et se propage ensuite dans les sciences humaines du reste de l’Europe. Et, très tôt, le savoir autour de la Préhistoire est divulgué par les ouvrages populaires de Figuier et de Flammarion, par les romans préhistoriques de Rosny l’Ainé, diverses revues, par les représentations des artistes réalistes tels que Cormon ou Frémiet.
Les musées d’histoire naturelle et les expositions universelles offrent des reconstitutions de scènes préhistoriques. Cette imagerie inspire nombre d’artistes.
À partir des années 1920, alors que certaines oeuvres préhistoriques deviennent iconiques, telle la Vénus de Lespugue, plusieurs revues d’art, Cahiers d’art ou Documents, des expositions au MoMA en 1937 ou à Londres en 1948, confrontent oeuvres modernes et oeuvres préhistoriques, soulignant le puissant attrait plastique et esthétique de ces oeuvres des origines.
 
Texte du panneau didactique.
 
Levi Fisher Ames. The Gigantic and Prehistoric Pig, Captured in Alaska ; Big as a Small Elephant [Le gigantesque cochon préhistorique, capturé en Alaska ; grand comme un petit éléphant], vers 1895-1910. Bois, tissu, verre, graphite, encre, métal, papier, 21,6 × 53,3 × 6,35 cm. John Michael Kohler Arts Center Collection, don de Kohler Foundation Inc.
 
Pablo Picasso. Buste de femme, Boisgeloup, 1931. Plâtre original, 62,5 x 28 x 41,5cm. Musée national Picasso-Paris. Dation en 1979. © Succession Picasso. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Béatrice Hatala.
 
Joan Miró. Femmes encerclées par le vol d’un oiseau, 26 avril 1941. Gouache sur papier, 46 × 38 cm. Collection privée. Courtesy Galerie 1900-2000, Paris.
Yves Klein. Anthropométrie-ANT 84, 1960. Pigment pur et résine synthétique sur papier marouflé sur toile, 155 x 359 cm. Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice.  Achat en 1988, avec l’aide du FRAM. © Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris 2019. Photo : Muriel Anssens / Ville de Nice.


4 - Hommes et bêtes



Scénographie
Hommes – c’est-à-dire des femmes : la majorité des sculptures paléolithiques auxquelles les artistes modernes sont sensibles représentent soit des figures féminines soit des animaux. S’y ajoutent quelques figures anthropomorphes masculines, à mi-chemin entre l’homme et l’animal. Ces petits objets, fragiles et peu nombreux, fascinent par leur altérité. Les représentations féminines incarnent frontalement le mystère du sexe et de la vie. Mais on ne peut y lire aucune histoire de séductionà la façon des mythologies classiques. Les appeler « vénus » est une manière de se rassurer – à tort – en les ramenant dans le giron de l’érotisme occidental. De même, les représentations animales révèlent une symbiose entre l’humain et l’animal à laquelle nous n’avons plus accès.
Ce sentiment d’étrangeté nourrit l’imaginaire moderne : Bonnard, Klee, Arp, Giacometti, Moore, Picasso, Klein, Beuys, Bourgeois, parmi d’autres, ont aimé ces oeuvres. En se les appropriant, ils expriment aussi la distance énigmatique qui nous sépare d’elles.
 
Texte du panneau didactique.
 
Bloc gravé figurant un cheval (Limeuil, Dordogne), époque magdalénienne (vers –15 000 ans). Découvert par Louis Capitan et l’abbé Jean Bouyssonie, 1909-1911 ; acquis de M. Bélangé le 18 janvier 1912. Calcaire gravé, 28 × 23,4 × 5,4 cm. Musée d’archéologie nationale – Domaine national de Saint Germain-en-Laye. Photo © RMN-Grand Palais (Musée d’archéologie nationale) / Franck Raux.
 
Figure féminine dite « Vénus de Lespugue » (grotte des Rideaux, Lespugue, Haute-Garonne), époque gravettienne (vers - 23 000 ans). Ivoire de mammouth, 14,7 × 6 × 3,6 cm. Musée de l’homme, Paris. © MNHN - Jean-Christophe Domenech.
 
Louise Bourgeois. Harmless Woman, 1969. Bronze, gold patina, 28,3 x 11,5 x 11,5 cm. Collection The Easton Foundation. © The Eaton Foundation / ADAGP, Paris 2019. Photo : Christopher Burke.
Propulseur décoré d’une figure animale, dit « Propulseur au félin » (abri de La Madeleine, Tursac, Dordogne), époque Magdalénienne (vers -15000 ans). Ivoire sculpté en ronde-bosse, 10,4 x 6,9 x 2,3cm. Musée d’archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain en Laye, en dépôt au Musée national de Préhistoire, Les Eyzies.
 
- A gauche : Bloc figurant des vulves ou sexes féminins (abri Blanchard, Sergeac, Dordogne), époque aurignacienne (vers –30 000 ans). Découvert par Louis Didon ; acquis en 1912. Calcaire gravé, Env. 65 × 45 × 10 cm. Musée d’archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye.
- A droite : Figure féminine dite « Vénus à la tête quadrillée » (site de Laussel, Marquay, Dordogne), époque gravettienne (vers –25 000 ans). Découverte en décembre 1911 par Jean-Gaston Lalanne ; musée privé Lalanne, Bouscat, 1912-1960 ; classement Monument historique en 1926 ; don au Musée d’Aquitaine, 1960. Calcaire, 38 × 37,5 × 10 cm. Musée d’Aquitaine, Ville de Bordeaux.
- Au fond : Bloc gravé figurant un cheval (voir détail plus haut).
 
Benjamin Palencia. Composition préhistorique, 1933. Huile et sable sur toile, 73,5 × 100 cm. Museo nacional Centro de arte Reina Sofía, Madrid.
 
Fernand Léger. Silex, 1932. Gouache, encre de Chine et mine graphite sur carton, 46 x 61 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. © Adagp, Paris 2019. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Service de la documentation photographique du MNAM/Dist. RMN-GP.
 
Brassaï. Galet gravé « Tête d’animal » de 1945-1946 dans l’atelier des Grands-Augustins, Paris, 27 novembre 1946. Épreuve gélatino-argentique, 17,4 × 23,2 cm. Musée national Picasso-Paris. Achat en 1996.
 
Jean Arp. Coquille formée par une main humaine, 1935. Plâtre original plein, retravaillé, poncé, enduit d’un lait blanc, 19 × 35 × 25 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Saisie de l’Administration des Douanes en 1996. En dépôt depuis le 25/06/2004 à la Fondation Arp, Clamart.
 
Pablo Picasso. Femme nue couchée, 1936. Huile sur toile, 130,6 × 162,5 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Donation de Louise et Michel Leiris en 1984.
Ángel Ferrant Vázquez. Tres Mujeres [Trois femmes], 1948. Pierre blanche de Salamanque, 56,3 × 119 × 19 cm.
Museo nacional Centro de arte Reina Sofía, Madrid.
 
Joan Miró. L’Objet du couchant, été 1935-20 mars 1936. Tronc de caroubier peint, ressort de sommier, brûleur à gaz, chaîne, manille et ficelle, 68 × 44 × 26 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Achat en 1975.
 
Gilles Aillaud. L’Éléphant, mars 1971. Huile sur toile, 300 × 200 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Achat en 2005.
 
Raoul Ubac. Objets fossiles et objets pétrifiés, 1939-1940. Tirages photographiques par « fossilisation » (superposition solarisée d’un négatif et d’un positif). Photographie posée sur papier baryté, 39 × 28 cm. Bibliothèque nationale de France, Paris. Département des estampes et photographies.
 
Alberto Giacometti. D’après une sculpture préhistorique : Vénus de Laussel, vers 1929. Plume, encre et crayon sur page de carnet quadrillé, 17,4 × 11,5 cm. Collection Fondation Giacometti, Paris.


5 - Gestes et outils



Scénographie avec (à droite), de Lucio Fontana : Concetto spaziale. La fine di Dio [Concept spatial. La fin de Dieu], 1963.
Huile, entailles, trous, graffiti et paillettes sur toile, 178 × 123 cm.
Collection Fondazione Lucio Fontana
Reconnaître et ordonner la préhistoire technique et artistique oblige à discerner des signes intentionnels sur les pierres, les os et les parois, en les distinguant des traces accidentelles des processus naturels. Saisir le passage de la nature à la technique et de la technique à l’art, c’est saisir la spécificité de l’espèce humaine. Bifaces, racloirs, haches ou grattoirs dessinent des gestes assurant la prise de l’homme sur la matière et le vivant. Inversement, la collecte de formes accidentelles dans la nature (Fernand Léger, Charlotte Perriand) ou sur les trottoirs new-yorkais (Claes Oldenburg) implique un dessaisissement volontaire de la technique au profit d’une esthétique de la ressemblance et du hasard.
Certains signes énigmatiques de la préhistoire (cupules, entailles ou empreintes) fascinent Ubac, Dubuffet, Fontana ou Long : ni figuratifs ni abstraits, ces signes indiciels et tactiles compriment la distance séparant la modernité de la préhistoire. Enfin, « des parois des cavernes aux murs d’usine » (Brassaï), le fouillis des graffitis anonymes réconcilie les survivances avec les ruptures, et l’universalité avec des traditions présumées nationales.
Par le geste et par l’outil, la forme s’ouvre à la vie.
 
Texte du panneau didactique.
 
Biface (porte Marcadé, Abbeville, Somme), époque acheuléenne (vers –500 000 à –300 000 ans). Découvert par Jacques Boucher de Perthes, 1850-1860 ; acquis vers 1862 ; inscrit à l’inventaire en 1872. Silex taillé, 19,7 × 9 × 5,5 cm. Musée d’archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye.
Scénographie
Brassaï. Graffiti (6), 1932-1950. Épreuve gélatino-argentique contrecollée sur carton ou isorel.
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Achat en 1996.
 
Galet gravé de traits obliques et perpendiculaires (abri de Laugerie-Basse, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), époque protomagdalénienne (vers –22 000 à –20 000 ans). Découvert par Denis Peyrony, 1921-1935. Galet de gneiss gravé, 27 × 18 × 12 cm. Musée national de la préhistoire, Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil.
 
A. R. Penck. Waffen [Armes], 1968. Huile sur isorel, 60,3 × 94 cm. Birkelsche Stiftung für Kunst und Kultur, Cologne.
Jean Dubuffet. Le Cours des choses - Mire G 174 (Boléro), 22 décembre 1983 (vue partielle). Acrylique sur papier marouflé sur toile, 268 × 800 cm (quatre panneaux juxtaposés), 271 × 200 cm chacun. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Achat en 1985.
 
Charlotte Perriand. Silex, 1933. Tirage numérique contrecollé sur aluminium. Musée Nicéphore Niepce, Ville de Chalon-sur-Saône. © Adagp, Paris 2019. © Musée Nicéphore Niépce, Ville de Châlon-sur-Saône.
 
Joan Miro. Peinture, 8 mars 1933. Huile et aquarelle sur toile, 130,5 x 163,2cm. Philadelphia Museum of Art, A.E. Gallatin Collection, 1952. © Succession Miro / Adagp, Paris 2019. Philadelphia Museum of Art, A.E. Gallatin Collection, 1952-61-85.


6 - La caverne



Scénographie
La caverne est l’espace préhistorique par excellence. Les fantasmes qu’ont toujours suscités les souterrains ont été exaltés par le mythe de « l’homme des cavernes » puis par la reconnaissance des grottes ornées du Paléolithique supérieur, au tout début du 20e siècle. À l’opposé de la caverne de Platon, lieu des fauxsemblants, la caverne de la préhistoire est le lieu des révélations. Les peintures et gravures rupestres à l’air libre s’y associent : en témoignent les immenses relevés réalisés en Afrique par les équipes de Leo Frobenius entre 1912 et 1936.
Dans l’imaginaire moderne, la caverne devient à la fois le modèle de l’espace de création (chez Picasso ou Giacometti) et l’archétype d’une capsule temporelle échappant au temps, ultime refuge pour résister aux grandes peurs de l’ère atomique (chez Fontana ou Pinot Gallizio). Son côté à la fois accueillant et inquiétant, utérin et chaotique, ne cesse d’inspirer installations et architectures, de l’Endless House de Frederick Kiesler à l’Incidental Space de Christian Kerez.
 
Texte du panneau didactique.
 
Pointe en forme de feuille de laurier (hameau de Volgu, Rigny-sur-Arroux, Saône-et-Loire), époque solutréenne (vers –20 000 à –18 000 ans). Découverte par François Chabas le 24 février 1874. Silex taillé, 34,3 × 8,1 × 0,9 cm. Musée Vivant Denon, Ville de Chalon-sur-Saône.
 
Henri Breuil. « Epongo-Anibib. Big Shelter at the Eastern End of the Big Hill. South West Africa. LXXXI », 1948-1950. Projet pour la planche X de l’ouvrage d’Henri Breuil, Anibib & Omandumba and Other Erongo Sites, en collaboration avec Mary E. Boyle, E. R. Scherz et R. G. Strey, Paris, Trianon Press / Lisbonne, The Calouste Gulbenkian Foundation, 1960. Gouache sur papier, 76,5 × 56 cm. Musée d’archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye.
 
Henri Breuil. Relevé de la grotte d’Altamira, s.d. Mine de plomb et pastels sur papier. Muséum national d’histoire naturelle, Paris.
Scénographie
 
Oscar Domínguez. Cueva de Guanches [Grotte de Guanches], 1935. Huile sur toile, 81 × 60 cm. Museo nacional Centro de arte Reina Sofía, Madrid.
 
Amédée Ozenfant. La Grotte aux baigneurs, 1930-1931. Huile et plâtre sur toile, 73 × 92 cm. Musée de Grenoble. Don de Pierre et Marc Larock en 2001.
Joachim Lutz. Fries stehender und liegender Gruppen paralleler, langgezogener Formlinge, die verschieden gemustert sind [Frise avec des groupes de formes oblongues et parallèles disposées verticalement ou horizontalement, et diversement imprimées], 1929. Aquarelle collé sur toile, 134 × 735 cm. Institut Frobenius, Francfort-sur-le-Main.
 
Jean Fautrier. L’Écorché, 1944. Huile sur papier marouflé sur toile, 80 × 115 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Dation en 1997.
 
Carl Andre. Hearth [Âtre], 1980. 45 éléments en bois de cèdre rouge, 120 × 90 × 450 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Achat à la Galerie Yvon Lambert en 1988.
Miquel Barceló. Sans titre, 2019. Fresque murale en argile sur les verrières du Centre Pompidou, Paris.
Dimensions variables. Atelier Miquel Barceló.
 
Louise Bourgeois. Cumul I, [1968]. Sculpture en marbre blanc posée sur un socle en bois en deux parties, 51 × 127 × 122 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Achat de l’État en 1973. Attribution en 1976.
 
Robert Smithson. Untitled (Venus with Reptile) [Sans titre (Vénus avec reptile)], 1963. Crayon, gouache et collage sur papier, 45 × 35,6 cm. Estate of Nancy Holt / Smithson Foundation. Courtesy of James Cohan Gallery, New York.


7 - Néolithiques



Scénographie
Le mot « Néolithique » a été créé en 1865 par l’anthropologue John Lubbock, pour désigner une période où les sociétés humaines ont développé la technique de la pierre polie ; au-delà, il correspondà une accélération de la maîtrise technique du monde, aux débuts de la sédentarisation, de l’agriculture et de l’élevage, par opposition aux modes de vie des chasseurs cueilleurs paléolithiques.
Les mégalithes – dolmens et menhirs – en constituent un des plus spectaculaires emblèmes. Pour Caspar David Friedrich ou pour Giacometti, ils incarnent l’énigme d’un temps long et indéchiffrable.
Mais le Néolithique est aussi le porteur ancestral de l’idée d’abstraction, chez Delaunay, Arp ou les modernistes anglais comme Barbara Hepworth ou Paul Nash. Quant à Robert Smithson ou aux minimalistes Robert Morris et Carl Andre, dans les années 1970, ils y voient les fondations d’une culture techno-industrielle dont l’écroulement leur paraît imminent. Autrement dit, à partir de témoignages toujours fragmentaires, il n’y a pas un mais des Néolithiques dans l’esprit moderne.


 
Texte du panneau didactique.
 
Statue-menhir (Montlaur, Mas-d’Azaïs, Aveyron), deuxième moitié du IIIe millénaire av. J.-C. Découverte par M. Mazel, cultivateur, début 1900 ; présentée à l’Exposition universelle de 1900 [section des monuments mégalithiques], Palais du Trocadéro, Paris. Grès blanc sculpté, 112 × 75 × 12 cm. Musée d’archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye.
 
Figure féminine dite « Idole aux yeux » (Uruk, Mésopotamie), 3 300-3 000 av. J.-C. Marbre, 25 × 16,5 × 8,5 cm. Collection particulière.
 
Jacques Lipchitz. Ploumanac’h, 1926. Plâtre, 94,5 × 58,2 × 24,2 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Donation de la Jacques et Yulla Lipchitz Foundation en 1976.
 
Barbara Hepworth. Single Form (Eikon), 1937-38. Bronze, 148 x 28x 32 cm. Tate, Londres Presented by the artist 1964. Barbare Hepworth © Bowness. © Tate London.
 
Barbara Hepworth. Two Figures (Menhirs) [Deux figures (Menhirs)], 1964. Ardoise sur socle de bois, 82,5 × 63,8 × 32 cm. Tate, Londres. Purchased 1964.
 
Robert Delaunay. Relief blanc, 1935. Plâtre et caséine sur toile métallique maintenue sur un support en bois, 300 × 180 × 3,5 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Donation de Sonia Delaunay et Charles Delaunay en 1964.
 
Alberto Giacometti. Le Cube, [1933-1934]. Plâtre, 94 × 60 × 60 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Dation en 1987.
Richard Long. Snake Circle, 1991. Gneiss (pierre), Ht 70 x diam 400 cm.
CAPC musée d’art contemporain, Bordeaux. Achat à la Galerie Tschudi avec l’aide de la DMF en 1992.
 
Abel Maître. Relevé de l’une des pierres gravées du cairn de Gavrinis (golfe du Morbihan, vers 3 500 av. J.-C.), 1866. Gouache sur papier chiffon, 174 × 132 cm. Musée d’archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye.
 
Robert Morris. Model of Observatory, 1971-1972. Bronze martelé sur bois, 20,3 × 305 × 244 cm. Collection of the artist. Courtesy Castelli Gallery, New York.
 
Caspar David Friedrich. Mégalithe en automne, vers 1820. Huile sur toile, 55 x 71 cm. Albertinum /I Galerie Neue Meister, Staatliche Kunstsammlungen Dresden. Photo © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Elke Estel / Hans-Peter Klut.
 
Johann Heinrich Wilhelm Tischbein. Landschaft mit Hünengrab [Paysage avec mégalithe], après 1809. Huile sur toile, 53,5 × 68,5 cm. Museumslandschaft Hessen Kassel, Gemäldegalerie Alte Meister.


8 - Présents préhistoriques



Scénographie
L’exploration de la préhistoire a immédiatement rendu sensible la question de l’évolution future du monde et celle de sa fin, de sa disparition. Ainsi, dès le début du 20e siècle, l’imagerie et les reconstitutions préhistoriques se forment en parallèle des oeuvres de science-fiction : les dinosaures, les paysages du quaternaire ou les premiers hommes y rejoignent la cohorte d’êtres fantastiques ou extra-terrestres du futur, les explorations spatiales, l’hyper-technicité de sociétés politiques et culturelles anticipées.
Aussi, peut-on parler d’une puissante culture pop de la préhistoire dans laquelle projections mélancoliques et poétiques côtoient les fascinations pour les technologies mises en oeuvre dans les sciences de la préhistoire qui seraient celles du temps (biologie, mesures, simulation, reconstitution 3D, exploration sonore…). Les implications physiques, philosophiques et politiques sur notre perception du présent et de l’avenir – anthropocène et dysptopies variées – nourrissent nombre d’oeuvres d’art aujourd’hui.


 
Texte du panneau didactique.
 
Bertrand Lavier. La Vénus d’Amiens, 2016. Plâtre, 177 x 106 x 106 cm. © Bertrand Lavier, Adagp – Paris. Courtesy the artist and kamel mennour, Paris/London.
 
Jean-Pascal Flavien. viewer small (climate), 2008. Bois peint, ventilateur, système audio 5.1, 180 × 380 × 260 cm. Courtesy de l’artiste et de la Galerie Esther Schipper, Berlin. Montré à Art Basel Statements en 2008 par la Galerie Catherine Bastide.
 
Jean-Pascal Flavien. Crayon rouge sur papier. Courtesy de l’artiste et de la Galerie Esther Schipper, Berlin.
 
Studio Wieki Somers (Dylan van den Berg & Wieki Somers). High Tea Pot, 2003. Porcelaine émaillée, fourrure de ragondin, cuir, Inox, 25 × 47 × 20 cm. Musée des arts décoratifs et du design, Bordeaux.
 
Panneau didactique.
 
Marguerite Humeau. Queen with Leopards, a 150-Year-Old Female Human Has Ingested a Manatee’s Brain, 2018. Bronze, patine naturelle, 82 × 71 × 97 cm. Courtesy The Petch Osathanugrah Collection.
 
Marguerite Humeau. Venus of Courbet, a 80-Year-Old Female Human Has Ingested The Brain of a Swallow, 2018. Bronze et patine noire, 33 × 66 × 100 cm. Courtesy the artist and C L E A R I N G, New York / Bruxelles.
Jake et Dinos Chapman. Hell Sixty-Five Million Years BC, 2004-2005. Papier toilette, carton, papier journal, colle et bronze. Dimensions variables. Courtesy of David Roberts Art Foundation, London.
 
Panneau didactique.
 
Jake et Dinos Chapman. Hell Sixty-Five Million Years BC, 2004-2005 (détail). Papier toilette, carton, papier journal, colle et bronze. Dimensions variables. Courtesy of David Roberts Art Foundation, London..
 
Jake et Dinos Chapman. Hell Sixty-Five Million Years BC, 2004-2005 (détail). Papier toilette, carton, papier journal, colle et bronze. Dimensions variables. Courtesy of David Roberts Art Foundation, London.
 
Jake et Dinos Chapman. Hell Sixty-Five Million Years BC, 2004-2005 (détail). Papier toilette, carton, papier journal, colle et bronze. Dimensions variables. Courtesy of David Roberts Art Foundation, London.


Épilogue



Tacita Dean. Quaternary, 2014. 5 photogravures encadrées en 10 parties sur Somerset Wite Satin 400 gr, 239,5 x 709 cm.
© Tacita Dean, Marian Goodman Gallery, New York/Paris, Paris, Frith Street Gallery, Londres. Courtesy the artist, Marian Goodman Gallery, New York/Paris, Niels Borch Jensen Editions, Frith Street Gallery, London. Photo : Marc Domage.
 
Statuette féminine (îles des Cyclades, mer Egée), Cycladique ancien II (2 700-2 300 av. J.-C.), type de Spédos. Marbre de Paros, 40 × 9,5 × 5 cm. Musée du Louvre, Paris. Département des antiquités grecques, étrusques et romaines.
 
Dove Allouche. Fleur de gypse, 2016. Diptyque. Tirage argentique en lumière polarisée d’après une lame mince d’oulopholite, 200 × 140 cm chaque. Courtesy Dove Allouche et Peter Freeman Inc., New York.
Giuseppe Penone. Struttura del tempo [Structure du temps], 1991-1992, 5 pièces. Terre cuite et bois ou liane,
70 × 140 × 30 cm ; 69,9 × 353 × 73,7 cm ; 73,5 × 214 × 43,5 cm ; 75,5 × 93,7 × 100,5 cm ; 91 × 110 × 140 cm.
Collection particulière. Courtesy Gagosian Gallery (4 pièces) et Courtesy Sprovieri Gallery, Londres (1 pièce).