PORTRAITS PUBLICS, PORTRAITS PRIVES
(1770-1830)

Article publié dans la Lettre n° 260


PORTRAITS PUBLICS, PORTRAITS PRIVES (1770-1830). Avec quelque 140 peintures et sculptures provenant de collections publiques et privées des deux cotés de l’Atlantique, cette magnifique exposition tente de saisir ce moment, entre public et privé, où d’autres règles du portrait s’établissent. La période retenue correspond à une époque où le portrait, très en vogue dans les pays anglo-saxons, allait faire l’objet d’une forte demande publique et privée en Occident. Le parcours, avec un accrochage remarquable et des cartels non seulement lisibles mais aussi très détaillés et descriptifs, est divisé en trois grandes sections.
La première, « La société en représentation », commence par des portraits de souverains et de chefs d’Etat. A coté de représentations classiques avec tous les accessoires du pouvoir, comme celle de Louis XVI par Callet ou de George Washington par Stuart, nous trouvons des portraits qui valorisent l’homme, comme le Napoléon dans son cabinet de travail aux Tuileries de David ou le pape Pie VII de Thomas Lawrence. La comparaison avec le Napoléon sur le trône impérial de Ingres, exposé à coté du précédent, montre bien l’écart entre deux façons de représenter un homme de pouvoir. Le tableau de Ingres, Louis-François Bertin, en fin d’exposition, est de la même veine : la pose suffit en elle-même à exprimer l’autorité de l’homme, sans aucun attribut. Viennent ensuite ce que les commissaires ont appelé des « portraits de conditions », à savoir des représentations d’hommes et de femmes remarquables par leur activité ou leur condition. Peu à peu l’artiste cherche, au-delà de la condition du modèle, à exprimer son caractère comme le fait Vigée Le Brun avec son Charles-Alexandre de Calonne. Cette première partie s’achève par des « mises en scène de l’intime » avec, en particulier des portraits de famille et « un espace d’expérimentation » avec les portraits d’artistes dont le plus étonnant est la Tête de caractère de Messerschmidt, qui s’est représenté faisant une incroyable grimace.
Dans cette section se trouvent aussi des portraits féminins. Trois méritent plus particulièrement notre attention : le buste en marbre de Marie-Antoinette, reine de France par Boizot qui l’a représentée la poitrine gonflée par son proche accouchement, ce qui la rend plus populaire ; le Portrait d’une femme noire, sujet réputé difficile à peindre, au port altier et d’une grande beauté, par Marie-Guillemine Benoist, élève de David et surtout Mrs. Abington, par Reynolds qui pervertit les codes aristocratiques de la représentation en peignant son modèle dans une pose très décontractée, à califourchon sur une chaise, un doigt à la bouche. Mais là, il s’agissait d’une actrice dont tout le monde suivait la mode !
La deuxième section s’intéresse à « La recherche de l’idéal » avec cinq parties : le portrait culturel, l’histoire incarnée, les portraits sculptés all’antica, les identités de substitution, la grâce et le naturel. Dans la première partie, la grande statue de Voltaire nu par Pigalle représentant le grand écrivain avec son corps dénudé de vieillard mais un visage brillant d’intelligence est extrêmement originale et saisissante. Dans la seconde s’est le tableau de David, Marat assassiné, représenté comme une victime expiatoire, qui nous frappe le plus, même si les autres œuvres ne manquent pas elles aussi d’intérêt. Les bustes réalisés selon les modèles antiques que les artistes de l’époque avaient pu admirer en Italie sont très nombreux et l’exposition nous en livre un grand choix.
Les « identités de substitution » sont un autre genre très en vogue en Angleterre. Elles permettent de représenter le personnage, la plupart du temps une femme, dans une attitude qui mettait en valeur un trait de sa personnalité, les femmes n’ayant que rarement l’opportunité, comme les hommes, d’être représentée dans une activité politique ou militaire ! Enfin les portraits de la dernière partie, « la grâce et le naturel », montre des personnages, comme Juliette Récamier, par Chinard, dans des attitudes plus naturelles et sans application.
L’exposition se termine par une troisième section intitulée « Postures de convention et affirmation individuelle - 1815-1835 ». Après Waterloo et la chute du « grand homme », l’individu apparaît comme une référence en soi, à la fois politique et culturelle. C’en est fini des attributs du pouvoir et des symboles. Tout est concentré sur le sujet sans que cela nuise à sa représentation comme dans le portrait de Louis-François Bertin par Ingres, déjà mentionné. Une exposition non seulement passionnante par son analyse critique de ce « genre », que l’Académie considérait comme « mineur » mais aussi par le choix judicieux et la qualité des œuvres exposées. Grand Palais 8e (01.44.13.17.17) jusqu’au 8 janvier 2006. Pour voir notre sélection de diapositives, cliquez ici.
Lien: Lien : www.rmn.fr.


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