SERGE POLIAKOFF
Le rêve des formes

Article publié dans la Lettre n° 363
du 20 janvier 2014


SERGE POLIAKOFF. Le rêve des formes. Né à Moscou en 1900, treizième enfant d’une riche famille d’origine kirghize, Poliakoff connaît une enfance heureuse, bercée par la musique, jusqu’à la révolution de 1917. Recruté par l’Armée rouge, il s’enfuit avec une partie de sa famille et après un long périple passant par Kiev, Batoum, Constantinople, Belgrade, Vienne, Sofia, Cologne, Berlin, il arrive enfin à Paris, en 1923. « Il sent que c’est dans cette ville que sa vie va basculer ». Il joue de la guitare pour gagner sa vie tout en prenant des cours de peinture académique dans des ateliers privés. En 1933, il adhère à la Société des artistes français et expose à son salon annuel où il est remarqué.
Sa vie bascule réellement lorsque Marcelle Perreur-Lloyd, acheteuse d’un grand magasin chic de Londres, vient à Paris pour voir des collections de chapeaux et remarque ce musicien dans des cabarets russes. C’est le coup de foudre et elle l’emmène à Londres ! En 1936 ils se marient et un an après décident de s’installer définitivement à Paris.
C’est à partir des années quarante que la peinture de Poliakoff évolue vers l’abstraction. La présente rétrospective lui accorde une place prépondérante. Il est difficile de décrire le parcours de cette exposition tant on a l’impression de toujours voir le même tableau ! Poliakoff a d’ailleurs écrit dans ses Pensées que « chacun des grands peintres ne développe qu’un unique thème. Ce thème, loin d’être superficiel, vient des profondeurs et la quantité des œuvres exécutées ne l’épuise pas ». Pourtant les formes représentées changent, les couleurs aussi, mais c’est toujours le même type d’agencement avec des courbes et des lignes droites formant des espaces contigus ou se chevauchant, remplis de couleurs jamais pures.
Certains comparent cette superposition de couches picturales aux icones russes que Poliakoff avait vues, dans son enfance, avec sa mère, très pieuse. Sa petite-fille raconte qu’il avait osé gratter un sarcophage égyptien au British Museum « afin de saisir, dans la constitution des peintures, l’incroyable transparence si vivante, due à la superposition des couleurs ». C’est sans doute cette façon de peindre par superposition de couches de couleurs différentes qui fait l’originalité de Poliakoff.
La construction de ses toiles, en partant de la périphérie, est une autre de ses caractéristiques. Le résultat est généralement agréable au regard et l’on comprend le succès qu’il rencontra auprès des décorateurs, des couturiers, comme Yves Saint Laurent, et bien sûr des collectionneurs. C’est dans les années soixante qu’il connaît une consécration mondiale et devient alors suspect aux yeux d’autres artistes. Apparemment certains n’aiment pas ceux qui gagnent bien leur vie de leur peinture ! Serge Poliakoff meurt en 1969 et si aujourd’hui sa célébrité est moindre, ses toiles ont toujours la cote, même si les peintres abstraits américains, avec leurs immenses toiles conçues pour le spectacle, lui ont fait de l’ombre !
Le parcours de cette exposition se fait donc par petites étapes. Il y en a onze en tout, selon un ordre chronologique allant de 1946 à 1969, chacune mettant l’accent sur un tableau et une thématique particuliers : « Premières peintures abstraites - 1946-1949 », « Matières - 1949-1951 », « Le rêve des formes en soi - 1950-1951 », « Section d’or - 1950-1952 », etc. A côté des 70 tableaux exposés, on peut voir l’immense Composition murale appartenant au Centre Pompidou, polyptyque formé de 13 panneaux sur 3 rangées, à la manière des iconostases russes. A une époque où l’abstraction ne fait plus recette, voici une exposition qui nous remet dans le bain avec plaisir. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 23 février 2014.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.mam.paris.fr.


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