L’ORIENT DES PEINTRES
Du rêve à la lumière

Article publié dans la Lettre n°478 du 1er mai 2019


 
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L’ORIENT DES PEINTRES. Du rêve à la réalité. Avec une cinquantaine de toiles, cette exposition nous donne un aperçu très intéressant de l’orientalisme dans la peinture du XIXe siècle. Dès l’entrée, nous sommes confrontés aux deux extrémités de cette période avec La Petite Baigneuse (1828) d’Ingres et Architecture intérieure (1914) de Klee. Dans le premier tableau, Ingres reprend son personnage de Grande Baigneuse (1808) en l’installant dans un intérieur de harem. Dans le second, si l’architecture de Kairouan inspire Klee, son passage à l’abstraction est tout proche. Il se produira la même année. Ces deux toiles introduisent ainsi le parcours de l’exposition qui se divise en deux grandes parties, les figures puis les paysages.
On commence tout naturellement avec La Grande Odalisque d’Ingres, ou plutôt avec la copie de ce tableau de 1814 peinte en 1903 par Jules Flandrin pour le musée Ingres de Montauban. Nous avons aussi une esquisse du célèbre tableau de Delacroix, Mort de Sardanapale (vers 1826-1827) et un curieux tableau de Corot, Jeune Algérienne couchée sur le gazon (vers 1871-1873). Grand admirateur de Delacroix, Corot s’inspire du personnage de gauche des Femmes d'Alger dans leur appartement (1833) de celui-ci. D’un autre admirateur de Delacroix, Chassériau, nous voyons Danseuses marocaines (1849), que le peintre a manifestement placées dans une école coranique, et Intérieur de harem (1854). Si tous ces peintres ont bien séjourné en Orient, leurs toiles n’en sont pas moins des reconstitutions rêvées, aucun d’entre eux n’ayant pu pénétrer dans un harem.
C’est également vrai pour tous ces magnifiques portraits de femme orientale ou plutôt de « Femme (en) orientale » comme écrit sur le cartel. L’éblouissant tableau de Charles Zacharie Landelle, La Juive de Tanger (après 1866) est réalisé avec pour modèle une fermière normande vêtue d’un costume oriental prêté par un ami ! Il en est de même des tableaux de Gérôme comme Le Marché aux esclaves (1866) ou Odalisque (non daté), de Paul Alexandre Leroy (Le Jeu d’osselets, non daté) ou encore d’Édouard Debat-Ponsan (Le Massage, scène de hammam, 1883). En revanche dans tous ces tableaux, le décor est fidèle à ce qu’ils ont pu voir sur place, en particulier dans la reproduction des mosaïques.
La transition entre les deux grandes parties de l’exposition se fait avec la section « La figure en contexte : scènes de genre sous le soleil d’orient ». Eugène Fromentin, qui a relaté ce qu’il a vu en Algérie dans ses livres, nous présente, avec Le Pays de la soif (entre 1820 et 1876) et La Rue Bab-el-Gharbi à Laghouat (vers 1859), des épisodes dramatiques d’hommes et d’animaux morts de soif dans le désert ou d’hommes massacrés dans une rue à moins qu’ils fassent la sieste tant la scène est ambiguë. Maurice Bompard nous livre une scène analogue avec Une rue de l’Oasis de Chetma (1890) tandis que Edmond de Boislecomte représente le Palais des exécutions à l’Alhambra de Grenade (1878) !
Vient ensuite la partie consacrée aux paysages. Les artistes présentés ici ont été subjugués par la lumière de ces pays orientaux. Le Cavalier arabe dans le sud (1887) d’Armand Point frappe par sa composition en lignes horizontales sur lesquelles se détache la silhouette blanche du cavalier et de son cheval. Avec Le Port d’Alger (1888), Jules-Alexis Muenier nous offre un paysage quasi monochrome d’Alger la blanche. En revanche, même si l’on ressent la présence envahissante de la lumière, les trois toiles de Marquet présentées ici, peintes en 1923 et en 1939, sont envahies de couleurs traitées comme dans des aquarelles. Cela n’est pas le cas dans les tableaux de Renoir, loin de tout réalisme, peints lors de son voyage en Algérie en 1881. En revanche Étude au Maroc. Vue de Meknès (vers 1887-1888) de Théo van Rysselberghe est proche du tableau de Muenier.
Dans la septième section, nous retrouvons des sujets classiques tels que Abyssine en robe de soie, étude de mulâtresse (1895) d’Émile Bernard, qui vivait en Égypte ; Le Bain maure (1911) de Jules Migonney, ou encore Odalisque à la culotte rouge (vers 1924-1925) de Matisse, mais il s’agit ici de compositions proches du style décoratif.
Dans les dernières toiles l’Orient a disparu. Le Bain turc (1907) de Vallotton, n’est qu’une accumulation de femmes nues dans un espace de bains banal et avec Oriental (1909), Kandinsky nous livre un tableau aux couleurs plates et vives. Avec une belle scénographie, des panneaux didactiques clairs et des cartels intéressants, voici une belle exposition. R.P. Musée Marmottan Monet 16e. Jusqu’au 21 juillet 2019. Lien : www.marmottan.com.


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