NIKI DE SAINT PHALLE

Article publié dans la Lettre n° 371
du 22 septembre 2014

Pour voir le parcours en images et en vidéos de l'exposition, cliquez ici.


NIKI DE SAINT PHALLE. « Moi, je m’appelle Niki de Saint Phalle, et je fais des sculptures monumentales ». Voici ce que dit cette artiste dans une petite vidéo qui tourne en boucle, comme elle dans son fauteuil à coque pivotant. Tout est là : l’affirmation de soi, la mise en avant de son travail, sa capacité, comme Andy Warhol, à mobiliser les médias, et surtout son originalité. Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle (dite Niki) est née à Neuilly-sur-Seine en 1930. Sa famille s’installe à New York où elle fréquente une école religieuse. D’abord chanteuse, elle devient ensuite mannequin et « se marie » à dix-neuf ans avec l’écrivain américain Harry Mathews, avec lequel elle aura deux enfants. Elle commence à peindre, en autodidacte, ses premières toiles. Fuyant le climat répressif de la société américaine instauré par McCarthy, le couple s’installe à Paris. En 1955 elle découvre l’œuvre de Gaudi et le parc Güell à Barcelone. C’est la révélation. Son Autoportrait (1958-1959), fait de fragments de vaisselle, de galets, de grains de café, etc. évoque tout à fait le style du parc Güell. Néanmoins ses premières œuvres marquantes, des assemblages sur du plâtre d’objets de toutes sortes choisis avec soin, traduisent un drame qu’elle ne révèlera qu’en 1994 dans Mon secret. Dans ce livre, elle raconte le viol commis par son père, 35 ans, banquier respecté, quand elle avait 11 ans. Cela explique, par exemple, la présence d’un ours en peluche entouré de fils électriques, d’une tige de bois, etc. dans Van Harte Betterschap (Valentine) (1960-1961) ou d’un hachoir et d’autres objets de cuisine pouvant servir d’armes dans Le Hachoir (1960).
Le parcours de l’exposition étant à la fois chronologique et thématique, on comprend facilement l’évolution personnelle de l’artiste. Après ses tableaux en relief, nous avons ses Mariées qui nous rappellent qu’à son époque, les filles étaient élevées « pour le marché du mariage ». Il fallait « se marier et se marier jeune ». Ses sculptures, aussi grandes que nature, sont des assemblages d’une multitude d’objets divers, dont le choix ne laisse rien au hasard. Il en est de même pour ses Accouchements qui traduisent tout à la fois la souffrance de l’enfantement et les rôles assignés à la femme comme l’écrivait Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient ».
Vers 1965 apparaissent ses fameuses Nanas. Les premières sont en tissus. Plus tard Niki de Saint Phalle utilisera le polyester, voire du vinyle (Nanas ballon, 1992 ; 2007). Elles se caractérisent par leurs formes rebondies, leurs positions, le plus souvent jambes écartées, les dessins peints sur la totalité de leur corps, leur grande taille, parfois démesurées comme Hon/Elle, une femme monumentale de 28 m de longueur sur 6 m de hauteur et 9 m de largeur, couchée sur le dos, réalisée en 1966 avec l’aide de Jean Tinguely (qu’elle épousera en 1971), pour le Moderna Museet de Stockholm. Les visiteurs peuvent rentrer dans la sculpture par son sexe et découvrir à l’intérieur plusieurs pièces réalisées par l’artiste. Quelques-unes de ces grandes Nanas (Dolorès, 1966 ; 1995 ; 550 cm de haut ; Madame ou Nana verte au sac noir, 1968) sont exposées ici. Certaines Nanas sont mises en scène dans des décors : La Toilette, 1970 ; Le Thé chez Angeline, 1971 ; La promenade du dimanche (avec une araignée géante tenue en laisse !), 1971 ; Les Funérailles du père, 1971.
Dans cette salle, on voit aussi des créations plus intimes tels que des bijoux, lui permettant de financer certaines œuvres monumentales, ou des lettres illustrées de dessins, comme des bandes dessinées.
En dehors des Nanas, Niki de Saint Phalle s’est fait remarquer, avec une certaine ironie comme on le voit dans les reportages qui rendent compte de ses performances, par des tirs à la carabine sur des œuvres en plâtre où elle avait caché des tubes remplis de peinture. Pendant une dizaine d’années de 1961 à 1970, elle va réaliser des tirs. Cette nouvelle manière de peindre la projette sur la scène artistique internationale. Son plus grand tir, King Kong (1962), représente une ville de gratte-ciel avec un drapeau américain et des avions qui s’écrasent sur des tours. Est-ce une prémonition de l’attentat du 11 septembre 2001 ? Les dernières salles présentent ses derniers travaux avec des sculptures géantes, toujours très colorées comme Skull (Meditat on room), 1990 ; Grand obélisque, 1989 ; Kingfisher totem, 2000. Les matériaux utilisés sont variés : armature en métal, polyuréthane, résine, coquilles de bois, pierres, éclats de miroir colorés, etc. et ces sculptures dégagent enfin un certain optimisme.
L’exposition évoque aussi ses constructions en plein air et en particulier Le Jardin des Tarots (1979-1998), près de Capalbio, en Italie. Une exposition « monumentale ». Grand Palais 8e. Jusqu’au 2 février 2015. Lien : www.rmn.fr.


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